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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/402

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LA PLURALITÉ DES MONDES

terre de l’un de ces deux mondes ne tendrait pas vers le centre du monde auquel elle appartient ; elle tendrait à celui des deux centres qui est le plus voisin. Mais s’il arrivait qu’elle fût équidistante des deux autres, elle demeurerait en repos entre eux, comme un morceau de fer entre deux aimants qui l’attireraient avec des puissances égales entre elles. »

Guillaume d’Ockam eût sans doute souscrit à cette conclusion ; Albert de Saxe n’y voit que conséquence fantaisiste d’une supposition impossible : « Ad impossibile potest sequi quodlibet. »


VII
l’université d’oxford et l’assimilation de la pesanteur
à une attraction magnétique


Cette conclusion, qu’Albert de Saxe traite de chimérique rêverie, fait allusion à la théorie qui regarde la pesanteur comme une force attractive exercée sur le corps grave par le centre du Monde, et qui compare cette attraction à celle que l’aimant exerce sur un morceau de fer. Cette théorie, en effet, fait évanouir la grande objection péripatéticienne contre la pluralité des Mondes. Mais contre elle, Averroès avait lutté avec persistance, et la plupart des maîtres de la Scolastique latine avaient, à ce sujet, épousé le sentiment d’Averroès. Il en est un, cependant, qui avait formellement rejeté la doctrine du Commentateur de Cordoue et qui, dans l’action de l’aimant sur le fer, avait prétendu reconnaître une attraction exercée à distance et sans aucun intermédiaire. Pour qui recevait, en ce point, l’opinion de Guillaume d’Ockam, il n’y avait plus aucune difficulté, à regarder la pesanteur comme étant, elle aussi, une attraction exercée sur le corps grave par le centre du Monde. Nous ne saurions donc nous étonner qu’une telle supposition ait paru séduisante à certains maîtres de l’Université d’Oxford.

Parmi les enseignements que Maître Clay donnait aux étudiants de Paris sur les doctrines de l’École d’Oxford, se trouvent diverses considérations relatives aux actions de l’aimant[1]. Ces considérations débutent par une phrase qui vaut la peine d’être notée. « Si le centre dû Monde était un point, comme certains le pensent, et qu’il fût en mouvement, il est

  1. Bibl. Nat, fonds latin, ms. no 16.621, 213, vo.