Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
40
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

On pouvait, avec Saint Thomas d’Aquin, attribuer le flux à une force motrice directement exercée par la Lune sur les eaux de la mer ; on pouvait, avec Guillaume d’Auvergne, assimiler l’action par laquelle la Lune soulève l’Océan à celle par laquelle la pierre d’aimant soulève le fer. À beaucoup, ces explications paraissaient insuffisantes ; il leur déplaisait d’invoquer de telles vertus occultes ; ils voulaient saisir dans le détail l’efficace par laquelle la Lune détermine le flux et la réduire à des opérations dont nous eussions l’expérience courante. Ils avaient donc imaginé que la lumière de la Lune échauffait les eaux de la mer et y provoquait une sorte d’ébullition. Mais, par là, ils attribuaient à la Lune des propriétés bien différentes de celles que les astrologues avaient accoutumé de lui reconnaître ; ils assimilaient ses effets à ceux que produit le Soleil, et plusieurs d’entre eux avouaient cette assimilation que nombre de gens devaient trouver choquante ; n’était-on pas habitué à regarder la Lune comme l’astre qui refroidit les vapeurs et les condense, non comme l’astre qui échauffe les eaux et les vaporise ?

Un physicien se rencontra qui conçut la pensée de dissiper ces deux difficultés en les résolvant l’une par l’autre. Il voulut laisser à la Lune un pouvoir refroidissant qui condense les vapeurs, au Soleil un pouvoir échauffant qui vaporise l’eau ; il admit qu’il se produisait, chaque joue, deux sortes d’effets, un effet solaire, qui est une ébullition de la mer, un effet lunaire, qui est une augmentation des eaux marines par la condensation des vapeurs ; il pensa qu’il écartait ainsi toutes les objections auxquelles les théories données jusqu’alors se trouvaient exposées.

Thémon le fils du Juif qui, nous le verrons, adopte cette doctrine, écrit, dans ses Questions sur les Météores d’Aristote[1] :

« Il est dit, dans un certain traité du flux et du reflux de la mer (in quodam tractatu de fluxu et refluxu maris) que, sous la route que suit le Soleil, la mer entre en ébullition et se soulève. »

Or nous possédons le traité où cette théorie est exposée ; en dépit du couperet du relieur, on en peut encore deviner le titre[2], qui est bien celui qu’indique Thémon : [Tractat] us de fluxu et [reflux] u maris.

1. Questiones super quatuor libros metheororum. compilais per doctissimum philosophiæ professorem Thimonem, lib. Il, quæst. I, art. 3.

2. Bibl. Nat., fonds latin, ms. n° 16 089, fol. 257, col, c ; les parties de mot mises entre [ ] ont été coupées par le relieur.

  1. 1
  2. 2