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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/46

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LA THÉORIE DES MARÉES

qui assimile l’action de la Lune sur la mer à l’action de l’aimant sur le fer[1].

L’objection qu’il adresse à cette théorie est celle-ci : Il y a, comme il l’a dit, des mers, telle la Méditerrannée, qui n’éprouvent ni flux ni reflux, bien qu’elles reçoivent, elles aussi, les rayons de la Lune ; les eaux douces des fleuves et des étangs ne sont pas davantage soumises à la marée, bien qu’elles soient plus pures et plus aisées à mouvoir que l’eau de la mer.

« À cela, on répondra peut-être que les fleuves et les étangs ont un flux et un reflux, mais qu’ils ne se laissent pas apprécier d’une manière sensible ; si, dans la mer, ce flux et ce reflux sont apparents, c’est à cause du très grand volume d’eau que nous ne pouvons trouver dans les fleuves et dans les étangs.

» Mais cette réponse ne vaut point, car la mer qui sépare la France de l’Angleterre n’est pas plus grande que le Danube vers la fin de son cours, ni que le Nil, du moins au temps où il déborde ; or les mouvements du flux et du reflux ne se montrent pas en ces fleuves ; ils ne devraient donc pas, non plus, être apparents dans cette mer ; et les sens nous démontrent le contraire. »

La marée, d’ailleurs, est moins sensible au large qu’entre des côtes resserrées ; c’est une vérité que le Philosophe lui-même paraît indiquer ; d’autre part, il ne manque pas de lacs très profonds, et il en est qui présentent des baies étroites ; enfin, un aimant soulève plus aisément un petit morceau de fer qu’une grande masse ; il semble donc que la Lune devrait mouvoir plutôt une petite quantité d’eau que le grand volume des mers.

Une autre objection se dresse encore contre l’hypothèse que notre auteur combat : « Sur chacun des deux rivages qui bornent une mer, pendant un temps qui est à peu près d’un jour naturel, le flux et le reflux se montrent deux fois, tandis que, dans le même temps, la Lune se lève une seule fois sur chacun de ces rivages. »

« D’autres ont alors ajouté que, pour qu’il y ait flux et reflux de la mer, la Lune ne suffit pas ; il faut encore qu’il y ait, au fond de la mer, des montagnes, des parties solides, de la terre durcie, pierreuse ou rocheuse ; là, par la vertu de la Lune, des vents se devront engendrer. Il faut, en outre, que la mer soit

  1. Ms. cit, fol. 257, col. d.