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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/63

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

« Les flux de la mer, poursuit Buridan[1], sont plus forts au moment de la conjonction de la Lune avec le Soleil et au moment de la pleine Lune, qu’ils ne sont aux quadratures. En la pleine Lune, la Lune est de plus grande vertu, parce qu’elle reçoit alors, du Soleil, beaucoup de lumière ; dans sa conjonction avec le Soleil, sa vertu est accrue par le Soleil. »

« Il y a, dit-il encore[2], nombre de circonstances qui renforcent le flux de la mer, tandis que les circonstances opposées à celles-là l’affaiblissent. La première, c’est la proximité ou l’éloignement de la Lune au Soleil, et nous parlions tout à l’heure de ce renfort. Nous avons dit, en effet, que les flux étaient plus grands lors de la conjonction de la Lune avec le Soleil et, aussi, lors de l’opposition de ces astres ; dans les quadratures, au contraire, ils sont plus petits. »

« Un second renfort du flux marin, dit encore notre auteur[3], c’est la proximité de la Lune à l’égard de la mer. Les agents naturels, en effets agissent plus fortement de près que de loin. Or, lorsque la Lune est, à la fois, à l’auge [apogée] de son excentrique et à l’auge de son épicycle, elle est aussi distante de la Terre qu’elle peut l’être. Lorsqu’elle est, au contraire, sur chacun de ces deux cercles, sur son épicycle comme sur son excentrique, à l’opposé de l’auge, elle est aussi rapprochée de la Terre qu’elle peut être ; les flux sont alors plus grands. »

Les astrologues tenaient, en général, que tout astre errant exerce, ici-bas, des actions particulièrement puissantes, lorsqu’il est en son auge ; certains physiciens avaient tiré de ce principe une explication des vives-eaux qui se produisent au moment des syzygies ; lorsque la Lune se trouve soit en conjonction, soit en opposition avec le Soleil, le centre de l’épicycle coïncide avec l’apogée de l’excentrique ; à ces moments-là, donc, la Lune devait exercer sur la mer une action plus puissante.

Buridan renverse tout cela ; au principe admis par les astrologues, il substitue cet autre principe qui devait un jour, en Mécanique céleste, jouer un si grand rôle : « Les Agents naturels agissent plus fortement de près que de loin. — Agentia naturalia fortuis agunt de longe quam de prope. » Il voit une cause d’affaiblissement de la marée dans ce que l’opuscule De fato faussement attribué à Saint Thomas, et dans ce que le Tractatus de

1. Ms. cit., fol. 22, col. d.

2. Ms. cit., ibid.

3. Ms. cit., fol. 22, col. d, et fol. 23, col. a.

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