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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/72

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LA THÉORIE DES MARÉES

pôle, en effet, se trouve un lieu que son grand éloignement du Soleil rend plus froid et plus humide ; là, donc, beaucoup d’air se doit changer en eau tandis que peu d’eau se résout en air. Au contraire, au Midi, à cause du rapprochement du Soleil, il se fait une grande évaporation d’eau et une faible génération de cet élément. Il est donc conforme à la raison que les mers soient toujours plus hautes au Nord qu’au Midi, et l’on pense que, de cette façon, la mer se meut constamment des pôles vers les tropiques. »

Ces pensées sont bien celles que nous trouvions au Tractatus de fluxu et refluxu maris ; mais Buridan, tout en les recevant, ne leur donne plus aucun rôle dans la théorie des marées.

En revanche, il leur donne une grande extension ; non seulement il en conclut que la surface des mers n’est pas exactement une surface sphérique concentrique au monde, qu’elle atteint, au pôle, un niveau plus élevé qu’à l’équateur, mais il va, pour des raisons semblables, attribuer aux surfaces qui bornent le feu et l’air des figures différentes de la sphère.

La surface qui termine extérieurement le lieu du feu est une surface sphérique concentrique à l’Univers, car elle n’est que la face interne de l’orbe de la Lune ; mais on n’en saurait dire autant de la face concave de la région ignée. « Il me semble que, dans la direction qui va d’un pôle à l’autre, dit notre auteur[1] le diamètre de cette surface doit être plus long qu’à l’équateur, comme il arriverait pour un œuf. Que cette surface soit plus allongée dans la première direction que dans la seconde, la raison en est la suivante : Là où le ciel possède, pour engendrer la chaleur et pour la conserver, une vertu plus puissante, une plus grande quantité de feu doit être engendrée, et le feu doit être conservé sur une plus grande profondeur. Semblablement, là où le froid a plus de vigueur, les eaux doivent être engendrées en plus grande abondance ; elles doivent être plus élevées sous les pôles qu’à l’équateur ; c’est pourquoi l’on dira, au second livre de cet ouvrage, que les mers septentrionales s’écoulent vers les mers australes. Mais il est certain que, sous l’équateur, le ciel a, pour échauffer, une vertu plus puissante qu’aux pôles. »

Borné inférieurement par la surface de la terre et des mers, qui diffère, mais fort peu, d’une sphère concentrique au Monde ;

  1. Byridani Op. laud., lib. I, quæst. IV : Utrum media regio aeris est semper frigida ; ms. cit., fol. 175, col. c.