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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome IX.djvu/94

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L’ÉQUILIBRE DE LA TERRE ET DES MERS. — I

cette théorie, donc, la terre ne se meut plus en vue de faire coïncider son centre avec le centre de l’Univers ; elle se meut afin de se trouver logée par l’eau.

De cette proposition, un corollaire se peut déduire avec une pleine évidence ; c’est que la terre ne réside pas en son lieu propre tant qu’elle n’est pas entourée d’eau de tous côtés. Si nous voyons émerger une partie de la surface terrestre, ce ne peut être que par l’effet d’une violence. Où donc est la cause qui produit cette violence, et comment agit-elle sans cesse, alors qu’au gré du Péripatétisme, rien de violent ne peut être éternel ?

Les commentateurs hellènes d’Aristote n’ont fait que développer plus ou moins longuement les considérations qu’on vient de lire ; aucun d’eux ne s’est arrêté à résoudre, ni même à signaler la difficulté qui en résulte ; mais cette difficulté arrêtera les physiciens du Moyen-Âge, qui s’en montreront fort soucieux.

Sur cette difficulté, une autre est venue se greffer ; elle découle d’une théorie dont les éléments épars se trouvent seuls chez les commentateurs hellènes d’Aristote, mais qui, plus tard, se formera par la réunion de ces fragments.

Aristote, nous l’avons vu, admet que les éléments se peuvent transmuer les uns en les autres ; la terre peut se transformer en eau, l’eau en air, l’air en feu ; le second livre du traité De la génération et de la destruction insiste longuement sur ces changements.

Si la masse entière de l’air peut être regardée comme le résultat de la transformation d’une masse d’eau, le volume de l’atmosphère doit être au volume de la masse d’eau qui l’a engendrée dans le rapport qu’a le volume d’une petite quantité d’air au volume de l’eau qui l’a produite ; mais il n’en résulte nullement qu’on doive, à ce dernier rapport, égaler le rapport entre le volume total de l’atmosphère et le volume total de l’eau qui existe actuellement à l’état liquide ; en d’autres termes, il n’en résulte nullement que l’air actuellement existant et l’eau actuellement existante aient même masse.

Cette conclusion injustifiée est cependant celle d’Aristote au cours d’un raisonnement qu’expose le traité des Météores[1] et qui a pour but d’établir la nécessité d’une cinquième essence, d’une essence céleste.

  1. Aristote, Météores, livre I, ch. III (Aristotelis Opera, éd. Bekker, vol. I, p. 340, col. a).