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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/131

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LA KABBALE

parable à un homme qui a perdu un objet : n’est-ce pas lui qui court après un objet perdu ?… Il convient que lépoux cherche réponse de même que celui qui a perdu un objet cherche lobjet perdu. »

Toutefois, pour qu’au pauvre, le riche désire faire largesse des biens qu’il possède d’une manière surabondante, il faut que la prière de l’indigent lui ait, de celui-ci, révélé les besoins. Le mouvement amoureux par lequel le supérieur s’abaisse vers l’inférieur doit être provoqué par le désir qui porte l’inférieur vers le supérieur. « C’est de la femme que vient le premier désir[1] ; c’est elle qui commence par inspirer des désirs à l’homme et le détermine aux relations conjugales. De cette façon, l’action des hommes ressemble à celle d’en haut. »

Cette règle de tout amour est suivie au sein de l’Essence divine aussi bien que dans le monde. Si le mystérieux Ancien a daigné se manifester en produisant Élohim, c’est parce que tous les êtres brûlaient du désir de s’approcher de lui, qu’il leur demeurait inaccessible et qu’Élohim était seul capable de satisfaire ce désir.

« Le Point suprême, dil le Zohar[2], projette une lumière… Nul être ne peut supporter l’éclat de cette lumière suprême. Le Point suprême ne peut être vu que par les rayons lumineux qui en jaillissent. Mais comme tous les êtres éprouvent un besoin irrésistible d’approcher du Point suprême, tel un affamé brillant du désir de manger, les rayons jaillissant du Point suprême forment, à leurs extrémités inférieures, un autre point : c’est le Point d’en bas. Le Point d’en bas, c’est Élohim ; et pourtant, c’est la même lumière qu’en haut, l’Infini. »

Ainsi l’amoureuse opération par laquelle Dieu s’est révélé aux créatures a été provoquée par le désir que les créatures éprouvent de s’unir à Dieu.

L’amour que les deux mondes éprouvent l’un pour l’autre obéit à une loi analogue.

Le monde d’en bas a besoin du monde d’en haut : il ne saurait atteindre la perfection à laquelle il est destiné s’il n’était uni au monde idéal.

« Les lumières brillantes[3] du monde d’en haut répandirent des

  1. Zohar, I, fol. 49b ; t. I, p. 288. À côté de ce texte et de beaucoup d’autres qui expriment la même pensée, il convient de citer celui-ci, qui dit tout le contraire : « C’est le désir du mâle qui provoque celui de la femelle » (Zohar, I, fol. 245b ; t. II, p. 572).
  2. Zohar, II, fol. 210b ; t. IV, p. 219.
  3. Zohar, I, fol. 156a et 156b ; t. II, p. 214.