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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/168

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

ne garde l’enveloppe que durant son séjour au Paradis ; mais elle en est dépouillée toutes les fois qu’elle quitte le Paradis pour monter dans la région supérieure, car, dans cette région, les âmes supérieures ne peuvent pas conserver leurs enveloppes. Ainsi les âmes supérieures ne peuvent descendre dans le Paradis qu’entourées d’une enveloppe ; et ce sont les âmes inférieures, celles qui ne peuvent jamais s’élever au-dessus du Paradis, qui leur servent d’enveloppes…

» L’âme supérieure ne peut entrer dans un corps que lorsqu’elle est enveloppée préalablement d’une âme inférieure, laquelle lui sert en quelque sorte de nourriture. Quand le profane regarde un homme, il n’en voit que le corps ; le sage aperçoit aussi l’enveloppe de l’âme ; quant à l’âme même, Dieu seul la connaît. »

Ce n’est donc pas assez que le corps d’un homme serve de logis à trois âmes, la neschamah, le rouah et le nephesch ; la neschamah qui anime ce corps n’a pas seulement pour subordonné le rouah qui lui est propre ou, comme dit parfois le Zohar, son esprit originel ; elle a encore sous sa dépendance un esprit occasionnel, c’est-à-dire une âme qui, dans une vie antérieure, n’avait pas mérité la plénitude du salut.

Mais voici que cet assemblage d’âmes va se compliquer encore davantage.

« De ce qui précède, il résulte[1] que, lorsque l’âme supérieure descend de la région supérieure pour venir en ce bas monde, elle traverse le Paradis inférieur où elle accroche l’âme inférieure qui ne peut pas monter plus haut. Elle descend donc sur la terre revêtue de son esprit originel ainsi que de l’âme inférieure.

» En même temps qu’elle est revêtue de son esprit originel, l’âme supérieure arrive sur la terre avec un autre esprit occasionnel ; mais celui-ci ne peut pas entrer dans le corps qu’anime l’âme supérieure. Ainsi l’esprit occasionnel qui, jadis, avait animé un corps, et qui a disparu de ce bas monde sans avoir été purifié au préalable, c’est-à-dire sans avoir accompli sa mission sur terre, l’esprit occasionnel, disons-nous, erre dans l’immensité de l’espace sans pouvoir trouver de repos nulle part ; il roule ainsi d’un bout de l’Univers à l’autre, telle une pierre de fronde, jusqu’à l’heure où il rencontre un autre esprit qui lui procure la rédemption. »

Cet esprit rédempteur, qu’est-il à l’égard de l’esprit occasionnel ? Nous nous souvenons[2] que les âmes supérieures, les neschamoth, ont été créées par couples ; chaque couple est descendu indivis

  1. Zohar. II, fol. 99b ; t. III, pp. 401-402.
  2. Vide supra, p. 156.