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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/180

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

une concession à cet égard ; mais c’est que, par cette méthode, la démonstration devient sûre, et on obtient une parfaite certitude sur ces trois choses, savoir, que Dieu existe, qu’il est un, et qu’il est incorporel, sans qu’il importe de rien décider à l’égard du Monde, savoir s’il est éternel ou créé. Ces trois questions graves et importantes étant résolues par un véritable démonstration, nous reviendrons ensuite sur la nouveauté du Monde et nous produirons à cet égard toutes les argumentations possibles. »

Moïse Maïmonide divise donc lui même en deux parts l’œuvre qu’il se propose d’accomplir ; tout d’abord, il construira un système philosophique où, à titre provisoire, l’éternité du Monde se trouvera reçue ; puis il ébranlera par des doutes les arguments que l’on invoque en faveur de cette éternité.

Or, le système qu’il va construire, ce sera textuellement celui qui est enseigné dans la Métaphysique d’Avicenne et dans la Philosophie d’Al Gazâli. Quant aux doutes qu’il opposera aux preuves de l’éternité du Monde, ce seront, pour la plupart, ceux-là mêmes qu’Al Gazâli a développés dans sa Destruction des philosophes.

Pour chacune des deux parties de l’eruvre accomplie par Rabbi Moïse, Averroès n’eût point trouvé d’anathème assez tranchant.


A. L’existence de Dieu.


« Les propositions dont on a besoin pour établir l’existence de Dieu, pour démontrer qu’il n’est ni un corps ni une force dans un corps, et qu’il est un, sont au nombre de vingt-cinq qui, généralement démontrées, ne renferment rien de douteux ; car déjà Aristote et les Péripatéticiens qui lui ont succédé ont abordé la démonstration de chacune d’elles. » C’est en ces termes que Maïmonide commence l’exposé des preuves de l’existence de Dieu[1].

Ces preuves, il entend les développer avec une rigueur toute géométrique ; aussi commence-t-il par formuler les vingt-cinq postulats qu’il invoquera. Ces nombreux postulats, il admet qu’ils ont tous été pleinement démontrés « par Aristote et par les Peripatéticiens qui lui ont succédé. » C’est là une parole dont il importe de marquer le sens ; au nombre des Péripatéticiens, Maïmonide range assurément les philosophes de l’École d’Avicenne ; en effet, certaines des propositions qu’il formule résument, pour ainsi dire, ce qui caractérise l’enseignement de cette École ;

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, Introduction ; éd. cit., t. II, p. 3.