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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/188

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

» Il faut savoir que tout ce qui, dans cette classification, communique un bien quelconque, n’a pas uniquement pour but final de son existence, tout donneur qu’il est, de donner à celui qui reçoit ; car il suivrait de là une pure absurdité. En effet, la fin est plus noble que les choses qui existent pour cette fin ; or, il s’ensuivrait que ce qui est plus élevé, plus parlait et plus noble existe en faveur de ce qui lui est inférieur, chose qu’un homme intelligent ne saurait imaginer. Mais il en est comme je vais le dire : Quand une chose possède un certain genre de perfection, tantôt cette perfection y occupe une étendue suffisante pour que la chose elle-même soit parfaite, sans qu’il s’en communique aucune perfection à une autre chose ; tantôt, la perfection a une étendue telle qu’il y en a de reste pour perfectionner autre chose… Il en est de même dans l’Univers ; l’épanchement, qui vient de Dieu pour produire les Intelligences séparées, se communique aussi à partir de ces Intelligences pour qu’elles se produisent les unes les autres, jusqu’à l’intellect actif avec lequel cesse la production des Intelligences séparées. De chaque Intelligence séparée émane également une autre production, jusqu’à ce que les sphères aboutissent à celle de la Lune. Aprè cette dernière, vient ce corps qui naît et périt, je veux dire la Matière première et ce qui en est composé. De chaque sphère, il vient des forces (qui se communiquent) aux éléments, jusqu’à ce que leur épanchement s’arrête au terme du monde) de la génération et de la corruption. »


C. L’influence du monde céleste sur le monde sublunaire.


Rabbi Moïse consacre un chapitre entier[1] du Guide des égarés à étudier comment cet épanchement, opère au sein du monde sublunaire.

Lorsqu’on une certaine opération, l’agent est corporel, il faut, pour que cette opération s’effectue, qu’un certain rapport soit établi entre l’agent et le patient ; ce rapport est obtenu par un mouvement qui rapproche l’agent du patient. Mais lorsque l’agent est incorporel, il ne peut plus être question d’en approcher le patient ; ce qui, dans ce cas, rend l’opération possible, c’est une certaine disposition de la matière à subir l’action de la substance séparée qui doit agir.

Or, à la matière qui forme le substratum des corps soumis à la

  1. Moïse Maïmonide, Op. laud., Deuxième partie, chapitre XII ; éd. cit., t. II, pp. 98-104.