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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/213

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

le sentiment d’Alpétragius, on place Mercure au-dessous du Soleil et Vénus au-dessus[1].

Ce traité astronomique, que le Milchamot Adonaï semble avoir surtout dressé contre les enseignements de Ptolémée, donne lieu à une remarque surprenante.

Dans la doctrine de l’Almageste, il n’est guère qu’un chapitre où de grandes modifications aient été introduites avant le temps où vivait Lévi ben Gerson : c’est le chapitre de la précession des équinoxes. En revanche, ce chapitre-là avait été bouleversé de fond en comble. À la rotation constamment dirigée d’Occident en Orient qu’admettait la Grande Syntaxe, le Tractatus de motu octavæ sphæræ, attribué à Thâbit ben Kourrah, avait substitué un mouvement compliqué d’accès et de recès, et ce mouvement avait servi à construire les Tables de Tolède. Les auteurs de la traduction latine des Tables Alphonsines avaient composé ce mouvement d’accès et de recès avec une rotation continue. Au temps où se composait le Traité des Guerres du Seigneur, les astronomes parisiens ne se souciaient plus du tout de la Théorie des planètes d’Albitrogi et ils ne disputaient point du rang qu’il convient d’assigner à Vénus et à Mercure ; en revanche, ils se montraient fort perplexes au sujet des mouvements divers qui, au ciel des étoiles fixes, avaient été successivement attribués par l’Almageste, par les Tables de Tolède, par les Tables d’Alphonse X : du crédit plus ou moins grand qu’il convenait d’attribuer à l’un ou à l’autre de ces systèmes dépendait le degré de confiance qui méritaient les diverses tables, et des problèmes aussi graves que la réforme du calendrier demeuraient en suspens tant que ce degré de confiance n’était pas exactement fixé.

Or, de ce grave débat, le Milchamot Adonaï ne nous fait pas entendre le moindre écho ; à le lire, nous croirions que l’hypothèse d’une précession toujours dirigée d’Occident en Orient est la seule qu’il y ait lieu d’examiner et que la grandeur de cette précession prête seule à controverse ; à la détermination de cette grandeur, il consacre un chapitre unique[2].

Ni le système des sphères homocentriques d’Alpétragius, ni le système des excentriques et des épicyclcs de Ptolémée ne saurait au gré de Lévi ben Gerson[3], rendre compte pleinement des mouvements astronomiques ; notre auteur va donc s’efforcer de com-

  1. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, ch. CXXXV.
  2. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, ch. LXI. — E. Renan, Op. laud., p. 637.
  3. Lévi ben Gerson, Milchamot Adonaï, livre V, ch. XLIII et XLIV, — E. Renan, Op. laud., p. 636. — J. Carlebach, Op. laud., p. 43.