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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/235

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MOÏSE MAÏMONIDE ET SES DISCIPLES

tenant son cours : elle instruit les rabbins de ce qu’ont élaboré les Facultés où s’enseigne la Théologie chrétienne.


IV
CHASDAÏ CREZKAS

De cette influence exercée sur la pensée rabbinique par la Scolastique latine et, surtout, par la Scolastique parisienne, il serait intéressant de donner de frappants exemples[1]. Pour les rencontrer, nous serons obligés de descendre assez bas dans le cours des temps, car les synagogues ont été, semble-t-il, fort en retard sur les universités. Ils nous seront fournis par Chasdaï Crezkas.

Né à Barcelone, d’une famille qui comptait, parmi ses ancêtres, des Talmudistes célèbres, Chasdaï vécut à la fin du xive siècle et au commencement du xve siècle[2]. Ses principales doctrines philosophiques sont exposées dans un traité intitulé La lumière du Seigneur, Or Adonaï : ce traité fut achevé en 1410[3].

Des théories exposées par Or Adonaï, M. Joël a donné une analyse assez étendue : cette analyse nous fournira les quelques points sur lesquels nous souhaitons d’attirer particulièrement l’attention du lecteur.

Dans la préface d’Or Adonaï, Chasdaï déclare son intention[4] : il admire Moïse Maïmonide, mais il reproche vivement à ce grand homme d’avoir recueilli les débris de la Philosophie hellénique pour en faire les fondements du Judaïsme ; les successeurs du fils de Maimoun ont poussé plus loin que lui dans la mauvaise voie où il avait engagé les études des rabbins : la cause première de cette

  1. De cette influence, on peut citer parfois des témoignages. Ainsi, à une époque qu’on ne peut préciser, un certain Abraham ben Isaac ben Juda ben Samuel Schalom traduisit en hébreu des Questions et réponses sur l’Isagoge, les Catégories et le traité de l’Interprétation de Marsilio. L’ouvrage traduit est de Marsile d’Inghen. On voit par là que la Synagogue était soucieuse de connaître l’enseignement de la Scolastique parisienne (Ernest Renan, Les écrivains juifs français du XIVe siècle (Histoire littéraire de la France, t XXXI, 1893, p. 728)].
  2. M. Joël, Don Chasdaï Crezkas’ religionsphilosophische Lehren in ihrem geschichtlichen Einflusse dargestellt. Breslau, 1866 (M. Joël, Beiträge zur Geschichte der Philosophie, Bd. II, Breslau, 1876). pp. 3-6.
  3. M. Joël, Op. laud., p. 6.
  4. M. Joël, Op. laud., pp. 11-12.