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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/250

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME


gisent les nouveautés dangereuses. L’autorité ecclésiastique va le marquer avec précision.

En 1215, Robert de Courçon, légat du Pape, impose aux études de l’Université de Paris un règlement qui demeurera longtemps en vigueur. Les leçons sur la Logique d’Aristote y tiennent une grande place ; elles doivent porter non seulement sur l’Prganon, sur la Logica vetus, comme on avait accoutumé de le faire dès le temps de la naissance des écoles, mais encore sur la Logica nova, sur les ouvrages dont Thierry de Chartres semble avoir le premier pris connaissance, et où se rencontrent, en particulier, les Analytiques.

Large et honorable part était donc, par le règlement de Robert de Courçon, faite à la Dialectique péripatéticienne ; mais, tout aussitôt, ce règlement confirmait et précisait la prohibition que le concile avait porté en 1210[1] : « Défense de faire aucune leçon sur les livres de Métaphysique et de Philosophie naturelle d’Aristote, ni sur les résumés de ces livres, ni sur les résumés de l’enseignement soit de Maître David de Binant, soit d’Amaury l’hérétique, soit de Maurice l’Espagnol. — Non legantur libri Aristotelis de Metaphysica et de naturali Philosophia, nec summæ de eisdem, aut de doctrina Magistri David de Dinant, aut Amalrici hæretici, aut Mauricii hispani. »

Dans ces Summæ des écrits du Philosophe, que Robert de Courçon cite à côté des traités d’Aristote sur la Métaphysique et la Physique, il semble naturel de voir la Melaphysica, le Compendium de anima d’Avicenne et, surtout, la Philosophia d’Al Gazâli. Évidemment, ce que Robert de Courçon veut proscrire des leçons de l’Université de Paris, c’est l’ensemble des doctrines, contraires à l’orthodoxie, qui ont été vraiment professées par Aristote ou que le Néo-platonisme musulman a données connue expression de la pensée du « Premier Maître. »

II
AMAURY DE BENNES

N’a-t-il visé que ces doctrines ? Amaury l’hérétique, David de Dinant, Maurice l’Espagnol, dont les noms se trouvent joints à celui d’Aristote, avaient-ils été conduits à l’hérésie par le Péripatétisme ou par le Néo-platonisme des Hellènes ou des Arabes ?

  1. Launoii Op. laud., cap. IV ; éd. cit., p. 75. — Denifle et Châtelain, Op. laud., pièce no 20, t. I, pp. 78-80.