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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/263

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LES PREMIÈRES INFILTRATIONS

elle. » « Cette unité[1] est l’être unique de toutes choses. — Unitas omnium rerum unicum est esse. »

Avec une abondance d’images qui nuit parfois à la clarté et à la précision, Bernard répète ce qu’il y a d’essentiel dans l’enseignement de Jean Scot ; et pour le répéter, il use de termes analogues à ceux qu’emploiera David de Binant ; il déclare que Dieu, le Noys et la Usia primaria sont une même chose. Qu’un philosophe vienne maintenant, conseillé par la lecture du Fons vitæ ; qu’il dise Matière universelle ou Hyle au lieu d’Essence universelle, d’Usia primaria, et de cette transformation naîtra l’hérésie que le concile de Paris, puis le concile de Latran frapperont de leurs anathèmes.

Peut-être ce travail s’est-il accompli dans la pensée d’un homme ; mais cet homme, à coup sûr, n’était pas David de Dinant. Si nous en croyons Albert le Grand, qui paraît fort bien renseigné, David n’avait nullement imaginé ni composé la doctrine qu’il soutenait ; il l’avait tirée, toute formée, du traité d’Alexandre le Péripatéticien.

Albert le Grand, en elfet, ne nous dit pas que l’hérésie de David de Dinant dérivait, par des détours plus ou moins compliqués. de doctrines contenues dans un livre d’Alexandre ; il cite quatre propositions qu’il donne comme textuellement extraites de ce livre ; dans les circonstances innombrables où il est possible de contrôler les citations de l’Évêque de Ratisbonne, on les trouve très fidèles ; nous n’avons aucune raison d’imaginer ici une inexactitude qui ne se rencontre pas ailleurs ; si donc, dans une œuvre d’Alexandre d’Aphrodisias, nous ne rencontrons ni les quatre propositions citées par Albert, ni la doctrine qui, d’après son témoignage, en était déduite, nous sommes assurés de n’avoir pas en mains le livre que lisait le savant Dominicain.

Or aucun traité connu, mis au compte d’Alexandre d’Aphrodisias, ne répond au signalement donné par Albert ; aucun d’eux n’est la source des hérésies de David,

B. Hauréau a pensé qu’il avait mis la main sur le livre, faussement attribué au Commentateur d’Aphrodisias, qui avait guidé le Métaphysicien de Dînant ; ce livre, il a cru le reconnaître[2] dans le De unitate de Dominique Gondisalvi.

Cet ouvrage, il est vrai, est attribué à un certain Alexandre par deux manuscrits du xive siècle conservés à la Bibliothèque Natio-

  1. B. Hauréau, Op. laud., p. 418.
  2. B. Hauréau, Mémoire sur la vraie source… loc. cit. — Histoire de la Philosophie Scolastique, seconde partie, t. I, p. 81.