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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/267

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CHAPITRE IX
GUILLAUME D’AUVERGNE, ALEXANDRE DE HALES
ET ROBERT GROSSE-TESTE

I
GUILLAUME D’AUVERGNE, ÉVÊQUE DE PARIS


L’autorité du légat du pape a interdît, à Paris, toute leçon, soit publique, soit privée, dont l’objet serait la doctrine physique et métaphysique d’Aristote ou les diverses philosophies qui s’y rattachent ; mais elle n’a pas étendu[1] cette prohibition aux écoles étrangères à l’Université de Paris. À Paris même, on ne peut enseigner à l’aide des livres traduits par Jean de Luna et Dominique Gondisalvi, par Gérard de Crémone, par Michel Scot ; mais on les peut lire, on en peut agiter les doctrines dans les conversations privées, ou peut composer des ouvrages qui s’en inspirent ou les discutent ; et, sans doute, on ne se faisait pas faute d’argumenter pour ou contre la Physique et la Métaphysique d’Aristote, d’Avicenne et d’Al Gazâli dans cette ardente population universitaire de Paris, pour laquelle la nouveauté eut toujours de merveilleux attraits et le fruit défendu une délicieuse saveur ; dès le milieu du xiiie siècle, on ne tenait plus aucun compte de la défense portée par Robert de Gourçon ; les Questions de Maître Roger Bacon nous le prouveront bientôt.

Contre cette philosophie jugée subversive, il fallait autre chose que des prohibitions portées par l’autorité ; il fallait une réfutation, rigoureuse et complète, opposée par la raison ; il fallait qu’une analyse minutieuse mit en pièces la vaste synthèse composée par les disciples d’Aristote, et montrât où chacune de ces pièces se trouvait faussée.

Cette œuvre allait être entreprise par l’homme de grande

  1. Touchant les bornes des condamnations portées en 1210 et en 1215, voir Pierre Mandonnet, Op. laud., première partie, pp. 18-19, en note.