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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/281

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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

uns des autres les individus d’une même espèce, et ils attribuaient cette proposition à un certain « philosophe italien ». Guillaume d’Auvergne défend à plusieurs reprises[1] contre cette imputation inexacte, ce philosophe italien en qui nous pouvons, facilement et sûrement, reconnaître Boëce[2]

Boëce, en effet, au début de son traité De la Trinité, s’exprime en ces termes[3] ; « Le mot : divers peut s’entendre de la diversité générique, de la diversité spécifique ; mais c’est la différence des accidents qui fait la diversité numérique (sed numéro differentiam accedentium varietas facit). Trois hommes se distinguent les uns des autres, non par le genre, non par l’espèce, mais par les accidents qui leur sont particuliers. »

Déjà, au xiie siècle, Gilbert de la Porrée avait protesté contre cette doctrine[4] : « Entre les êtres naturels, disait-il, la diversité numérique n’est pas faite par la dissemblance des accidents ; elle est seulement prouvée par cette dissemblance (Hanc autem in naturalibus numeralem… diversitatem… accidentium dissimilitudo non quidem facit, sed probat) ». Mais d’autres docteurs, au temps

  1. Guillermi Parisiensis Episcopi De Universo Prima pars principalis ; éd. 1516. pars II, tractatus de Providentia, cap. VII, t. II, fol. CXCIII, col. b ; éd. 1674, pars III, cap. XXIX. p. 802. — Secunda pars principalis, pars I, cap. XI ; éd. 1516, t. II, fol. CCII, col. b ; éd. 1674, p. 819. — Secunda pars principalis, éd. 1516, pars I, cap. LIII, t. II, fol. CCXVIII, col. a ; éd. 1674. pars II, cap. XV, p. 859.
  2. « Guillaume, dit Amable Jourdain, parle en divers endroits de philosophes italiens dont il n’admet pas toujours les doctrines. Certes, sous le nom de Philosophi italici, il ne désignait pas les sectateurs de Pythagore, mais des hommes vivant de son temps ; la philosophie florissait donc alors en Italie. » (Jourdain, Recherches critiques sur l’âge et l’origine des traductions latines d’Aristote, Paris, 1819, p. 327).

    Dans les passages dont nous venons de parler, Guillaume ne parle pas de philosophes italiens, mais d’un philosophe italien qu’il nomme aussi (Secundæ partis principalis, pars I, cap. XI ; éd. 1516, t. II, fol. CCII, col. b ; éd. 1674, p. 819) : Quidam ex latinis philosophis ; nulle part, il ne donne à entendre qu’il suit son contemporain ; ce que nous disons dans le texte montre qu’il s’agit, sûrement de Boëce.

    Ailleurs (Prima pars principalis ; éd. 1516, pars II, tractatus de Providentia, cap. V, t. II, fol. CLXXXVIII, col. b ; éd. 1674, pars III. cap. XXIV, p. 746, col. b) Guillaume d’Auvergne écrit : « Sciendum est autem tibi quia fuit ex Italicis philosophis cujus eloquenciam usque hodie tota Latinitas non immerito admiratur, et inter Italicos sapientiam ejus reputo et arbitror admirandam… » L’éditeur de 1516 ajoute en manchette : « Ciceronem intellige. » Il s’agit, en effet, d’une allusion au traité De fato composé par Cicéron. Ceux que Guillaume nomme : Philosophi Italici, et, parfois. Sophistæ Italici vel Latini (Prima pars principalis ; éd. 1516, pars II, tractatus de Providentia, cap. V, t. II, fol. CLXXXII. col. a ; éd. 1674, pars III, cap. XV, p. 734 » col. b), ce sont simplement les philosophes latins.

  3. Anitii Manlii Sevenini Boethii patritii ordinarii De Trintate et Unitate Dei ad Symmachum libri IV ; lib. primus (Anitii Manlii Sevenini Boethii (sic), philosuphtiruin et theologorum principis Opera omnia… Basileæ, ex officina Henricpetrina, MDLXX ; p. 1121.)
  4. In librum primum Boethii de Sancta Trinitate commentaria Gilberti Porretœ (Boethi Opera omnia, éd. cit., p. 1136.)