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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/30

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

[humaine] contient l’âme et que l’âme contient le corps : il en est ainsi parce que chacune des substances inférieures est contenue dans la substance supérieure. »

Répétant ce que disait le Livre des Causes, ou pourrait prétendre, que[1] « toutes les substances simples sont finies par en haut, et qu’elles sont infinies par en bas, parce qu’elles sont disposées les unes après les autres, et parce qu’elles sont spirituelles et simples. « Mais Ibn Gabirol ne reçoit pas cette théorie ; les substances universelles admettent une limite inférieure, la Matière première sensible, la Hyle, de même qu’elles admettent une limite supérieure, le Créateur. « À cause de son caractère grossier et corporel, la Hyle se trouve en dehors de l’Intelligence ; voilà pourquoi l’on dit que l’Intelligence et toutes les autres substances spirituelles sont finies de ce côté ; on veut dire par là quelles n’ont pas la corporéité, ce qui les distingue de la Hyle, et cette distinction leur impose un terme. »

Tous les intelligibles spirituels sont en l’Intelligence et constituent l’Intelligence même. « Je ne dis pas[2] que toutes choses sont dans l’Intelligence et qu’elles sont l’Intelligence même, car il y a des choses qui contiennent la Hyle. je dis seulement que tous les intelligibles spirituels sont dans l’Intelligence et qu’ils constituent l’Intelligence même ; mais les choses sensibles corporelles qui ont Hyle ne sont point dans l’Intelligence et ne sont point l’Intelligence : elles sont en dehors de son essence. L’Intelligence ne saisit les choses ayant Hyde que par l’intermédiaire du sens : ce rôle d’intermédiaire convient à la nature du sens, qui tient le milieu outre la spiritualité de l’Intelligence et la nature corporelle de la Hyle. »

Lorsque le sens les a dépouillées de la matière en laquelle elles étaient imprimées, les formes sensibles peuvent être saisies par l’Intelligence. « Si donc nous considérons toutes les formes[3], nous n’en trouvons aucune qui soit plus parfaite, qui réunisse mieux toutes les autres formes, que la forme de l’intelligence. Par elle-même, en effet, elle sait toutes choses, c’est-à-dire que, d’elle-même, elle est unie à toute forme : nous connaissons par là que toutes les formes sont en son essence… Son essence est donc une chose unique, et cette chose unique est l’universalité et la collection de toutes les formes : toutes les formes sont, d’une union spi-

  1. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, V, cap. 28. p. 309. — Voir : Tome IV, pp. 334-335.
  2. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, V, cap. 15. p. 284.
  3. Avencebrolis Fons vitæ, Tract, V, cap. 13. pp. 280-281.