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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/327

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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

l’aide des images, l’intelligence possible et séparable, qui connaît les espèces abstraites, et l’intelligence active. »

Dès le principe, cet exposé se trouve erroné, les commentateurs d’Aristote ayant tous regardé comme synonymes les expressions : intelligence matérielle et intelligence possible.

Un peu plus loin[1], la Somme nous dit que cette intelligence matérielle se nomme aussi rationalisa ; elle s’identifierait donc avec l’âme raisonnable ; « c’est pourquoi, ajoute la Somme, on la nomme encore « cellule logistique ».

« Cette intelligence matérielle possède les espèces sous forme d’images ; ces espèces, l’intelligence active aura le pouvoir de les abstraire afin qu’elles s’unissent à l’intelligence en puissance (intellectus possibilis). »

Cette dernière indication marque clairement que sous les noms d’intelligence matérielle, de rationativa, la Somme a entendu, en réalité, l’âme sensitive.

Au sujet de l’intellects possibles et de l’intellectus agent, elle se demande[2] pourquoi le Philosophe a distingué ces deux sortes d’intelligences. « Rien, observe-t-elle, ne passe de la puissance matérielle à l’acte, si ce n’est pas quelque chose qui soit déjà en acte. Mais l’intelligence possible est dite possible parce qu’elle est dans l’état de puissance matérielle qui convient à son genre ; elle ne peut donc passer à l’acte que par quelque chose qui soit en acte ; ce quelque chose, c’est l’intelligence active…

» En outre, le sens ne peut se donner à lui-même la perfection qu’est l’acte de sentir ; il a besoin de lumière tant intérieure qu’extérieure. Il en est semblablement de l’intelligence. Il y aura donc, en l’âme, quelque chose qui agisse à la façon de la lumière ; de même que la lumière rend sensibles, d’une manière actuelle, les couleurs qui existaient, en puissance, de même il y aura dans l’âme quelque chose qui permettra à la puissance intelligente de passer de l’état d’intelligence en puissance à l’état d’intelligence en acte…

» L’intelligence en acte agit de deux manières ; elle agit, d’une part, en pratiquant l’abstraction et, d’autre part, en s’unissant à l’intelligence en puissance.

» On se demandera peut-être si l’intelligence active est substantiellement séparée de l’âme ou bien si elle est une partie de l’âme intellectuelle. » Parmi les arguments qu’on peut faire valoir pour soutenir qu’il existe une distinction substantielle entre

  1. Alexandri de Ales Quæst. cit., membrum III, art. II.
  2. Alexandri de Ales Quæst. cit., membrum III, art. II.