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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/353

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GUILLAUME, ALEXANDRE, ROBERT

» En troisième lieu, dans les vertus et les lumières des corps célestes sont les vertus causales des sphères terrestres [ou élémentaires] dont les individus sont corruptibles ; une intelligence qui n’a pas le pouvoir de contempler en elle-même la lumière incorruptible incréée ou créée, peut, cependant, considérer ces raisons causales qu’il connaît dans les corps célestes. Ces raisons-là sont encore des principes de connaissance, et elles sont incorruptibles.

» D’une quatrième manière, enfin, une chose peut être connue dans sa cause formelle, cause qui réside en la chose même, par laquelle la chose est ce qu’elle est (a qua ipsa est hoc quod est) ; soit qu’en cette forme, qui est une partie de la chose, cette même forme se laisse voir, tout comme la lumière se laisse voir en elle-même ; soit, qu’en cette forme, on voie la matière qui est, elle aussi, une partie de la chose.

» Par elle-même, la forme n’est ni le genre ni l’espèce ; mais en tant que la forme appartient, en quelque sorte, au composé tout entier, en tant qu’elle est le principe par lequel on connaît le composé tout entier, elle est genre et espèce, elle est le principe de l’essence (principium essendi) et ce qui permet de répondre à la question : Qu’est cette chose ? (prædicabile in quid). Ainsi se font les démonstrations qui portent sur les genres et les espèces ; or c’est par les genres et les espèces que se construisent les véritables définitions, car la véritable définition est constituée par le genre et par la différence spécifique ; et c’est là l’opinion d’Aristote sur les genres et les espèces.

» Enfin, l’intelligence débile, qui ne peut s’élever jusqu’à la connaissance des vrais genres et des espèces véritables, en est réduite à connaître les choses par leurs seuls accidents, qui sont des conséquences des essences véritables de ces choses. Dans cette intelligence donc, sont seulement reçus les accidents, conséquences des genres et des espèces, accidents qui sont principes de connaissance, mais non point principes d’essence (principia essendi).

» Comment, selon ces deux derniers modes, les genres et les espèces des choses corruptibles demeurent-ils incorruptibles, c’est chose douteuse ; mais il est nécessaire que ces genres et ces espèces soient incorruptibles de l’une ou de l’autre de ces deux manières ; soit qu’ils demeurent, par eux-mêmes, exempts de corruption, mais qu’ayant besoin d’un support, ils éprouvent la corruption par l’effet de la destruction de leur support corruptible ; soit parce que la continuelle succession des individus les conserve toujours.