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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/400

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LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

forme qui est une des parties du composé ; telle est l’âme de l’homme. Il y en a une autre qui provient de l’union de la matière avec la forme [précédente] ; telle est l’humanité. Je dis donc de la quiddité : Elle est cette forme qui est la composition ; elle suit immédiatement la combinaison ; par nature, elle est avant le composé ; dans le temps, elle lui est simultanée. »

Ainsi, selon Bacon, l’union de l’âme ou forme substantielle de l’homme avec la matière de l’homme donne l’homme, qui est une substance ; mais, en même temps, cette union s’accompagne de la production d’une forme différente de la forme substantielle, — d’une forme qu’on peut appeler composition ou forme du composé ; et c’est cette forme-ci qui est l’essence ou quiddité de l’homme, qui est l’humanité.

À une telle doctrine, les Péripatéticiens ne peuvent manquer d’objecter ce que Bacon formule en ces termes : « Il n’y a pas de forme qui résulte du composé… Du composé une fois constitué, rien ne peut résulter, si ce n’est un accident ; or la quiddité n’est pas un accident. » Cette objection, notre maître ès arts la repousse ; cette forme du composé, cette forme qui est la composition et qui constitue l’essence, il l’admet et n’en fait pas un accident. La doctrine qu’il soutient sera, surtout parmi les Scotistes, l’objet de débats prolongés.

Cette doctrine, d’ailleurs, paraît nouvelle ; Avicenne avait soutenu, il est vrai, que l’essence du cheval, l’équinité, impliquait en elle, à la fois, la matière du cheval et la forme du cheval, qu’elle. supposait donc l’union de cette matière et de cette forme ; mais il n’avait jamais proposé de regarder cette essence ou quiddité comme une forme. Thémistius et Boëce, au contraire, voulaient que l’essence fût une forme, mais c’est, à la forme substantielle qu’ils l’identifiaient. Il semble que Bacon ait voulu faire une synthèse de ces deux opinions, si distinctes qu’elles paraissent inconciliables.

Si l’on veut, d’ailleurs, mettre d’accord les nouveaux propos de Bacon avec ceux qu’il a tenus pour répondre à la seconde question, il faudra supposer ceci : Dette forme de composition qui constitue l’essence existe déjà, au moins d’existence incomplète, dans la matière en puissance active ; à sa génération suffit cette composition qu’est l’union de la matière première avec la forme incomplète ou raison séminale. À ce sujet, Bacon ne s’explique aucunement ; rien n’indique qu’il ait souvenir de la théorie de la quiddité donnée dans sa seconde question.

L’essence d’une chose, c’est ce qu’on se propose de connaître