Aller au contenu

Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
398
LA CRUE DE L’ARISTOTÉLISME

l’une ni l’autre des deux quiddités n’est autre que la chose dont elle est la quiddité. — Et ita nulla quidditas est alia ab cujus est. »

Ainsi la quiddité de la santé, existant dans un corps sain — c’est l’exemple que Bacon choisit — c’est ce corps sain lui-même. Mais nous pouvons concevoir cette quiddité, en acquérir une notion dans notre intelligence ; ce concept de la quiddité en est l’exacte ressemblance, en sorte qu’il n’est pas autre chose que cette meme quiddité ; la quiddité conçue a seulement un autre mode d’existence que la quiddité réelle ; elle existe dans notre esprit, à l’état de notion, au lieu d’exister hors de notre esprit, à l’état de chose ; elle n’en demeure pas moins essentiellement la même ; en sorte que concevoir la quiddité de la santé, ce n’est pas autre chose que concevoir le corps sain ; de toutes manières, dans notre esprit comme hors de notre esprit, il y a identité entre la quiddité de la santé et le corps sain, entre une essence et la chose dont elle est l’essence.

À cette affirmation, Bacon revient dans sa neuvième question[1] ; il établit de nouveau qu’en toute substance, la quiddité est même chose que ce dont elle est la quiddité,

« La quiddité, dit-il, s’exprime par la définition. Mais une définition est, au plus haut point, la même chose que ce dont elle est la définition. D’où la conclusion que j’accorde. Au point de vue réel (secundum rem), en effet, la quiddité est absolument la même chose que ce dont elle est la quiddité ; elle n’est autre qu’au point de vue conceptuel (secundum rationem). »

Bacon rencontre cette objection : « Une cause, c’est ce dont l’existence a pour conséquence quelque autre chose ; mais la quiddité est cause de ce dont elle est la quiddité ; partant, pour une substance, la quiddité diffère de ce dont elle est la quiddité, »

À cette objection, notre auteur répond :

« Cette différence [entre la cause et l’effet], qui entre dans la définition de la cause, c’est seulement une différence de raison (secundem rationem) ; ce n’est pas une différence réelle (secundum rem). Partant, de ce que la quiddité est cause formelle de la chose dont elle est la quiddité, il résulte qu’elle en diffère pour la raison, mais non pas en réalité. »

Si l’essence de Socrate, c’est simplement Socrate ; si la quiddité de l’homme, c’est tout uniment l’homme, que signifie donc toute cette théorie de l’essence ou quiddité développée par notre maître es arts dans ses sept premières questions ? Elle est évi-

  1. Ms. cit.,, loc. cit.