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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome V.djvu/55

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SCOT ÉRIGÈNE ET AVICÉBRON

» Le Disciple. — Ce que je comprends, c’est tout simplement ce dont nous sommes convenus : Le Père a fait toutes choses dans son Verbe. En effet, lorsque j’entends le mot : Dieu, je songe à Dieu le Père : lorsque j’entends le mot : Principe, je pense à Dieu le Verbe.

» Le Maître. — Mais que veut dire le Théologien lorsqu’il écrit : « Dans le Principe, Dieu fit… » ? Concevez-vous, par là, que Dieu a, d’abord, engendré son Verbe, puis qu’ensuite, dans ce Verbe, il a fait le ciel et la terre ? Ou bien n’a-t-il pas éternellement engendré son Verbe et, dans ce même Verbe, fait éternellement toutes choses, de telle façon que la génération par laquelle le Verbe procède du Père ne devançât aucunement la création pur laquelle toutes les choses, au sein du Verbe, procèdent du néant ? Pour parler plus clairement, les causes primordiales des choses, qui ont été faites dans le Verbe de Dieu, n’y ont-elles pas toujours existé, et le Verbe existait-il alors que ces causes n’existaient pas encore ? Ou bien, au contraire, lui sont-elles coéternelles, de telle sorte que le Verbe n’ait jamais existé sans causes fondées en lui, que ces mots : Le Verbe précède les causes fondées en lui, ne se puissent prendre dans un autre sens que celui-ci : C’est le Verbe qui crée les causes, tandis que les causes sont créées dans le Verbe et par le Verbe ?

» Le Disciple. — Je ne saurais aucunement accorder la première opinion. Je ne vois pas, en effet, comment la génération du Verbe par le Père pourrait précéder dans le temps la création de toutes choses par le Père au sein du Verbe et par le moyen du Verbe ; je juge coéternelles ces deux opérations, la génération du Verbe, veux-je dire, et la création de toutes choses dans le Verbe : on ne saurait, en effet, concevoir avec vérité qu’il y eût en Dieu un accident, un mouvement temporel, un progrès temporel.

» Au contraire, j’accorderais volontiers la seconde opinion proposée, c’est-à-dire que la génération du Verbe par le Père n’a point du tout précédé dans le temps la création de toutes choses par le Père au sein du Verbe, mais qu’elle lui est coéternelle

» C’est en même temps que Dieu a engendré sa Sagesse et qu’en elle, il a fait toutes choses… Si lorsque le Prophète dit, en s’adressant au Père : « Tecum Principium in die virtutis tuæ », c’est comme s’il disait en termes clairs ; « Avec vous et en vous existe toujours le Principe de toutes choses, qui est votre Verbe. » Si donc le Verbe est toujours Principe avec le Père et dans le Père, jamais il ne fut sans être Principe, mais il fut toujours Principe ; partant, puisqu’il ne lui arrive pas de ne point être Prin-