Peckham affirme que le Doctor commuais soumit humblement toutes ses propositions au jugement et à la correction des maîtres de l’Université de Paris.
Peckham se plaît à rappeler cette soumission de frère Thomas, lorsqu’il lutte contre les Dominicains d’Angleterre et leur prieur Walter Scammel ; ceux-ci, en dépit des condamnations portées par Robert Kilwardby, s’obstinaient à enseigner toutes les thèses de Saint Thomas et, en particulier, l’unité de la forme substantielle en l’homme.
Leur enseignement, d’ailleurs, allait jusqu’à provoquer des scandales publics. En une de ses discussions quodlibétiques, tenue au voisinage do l’an 1285, Henri do Gand écrit[1] :
« J’ai appris que récemment, en Angleterre, certains religieux enseignaient que le corps vivant d’un saint et le cadavre de ce saint n’étaient point le même corps, si ce n’est sous un certain rapport (secundum quid) ; le corps vivant et le corps mort, en eflet, ne demeurent pas identiques par une même forme substantielle, mais seulement par la matière et par quelques accidents qui l’accompagnent. Ces religieux ont gravement manqué à leur devoir et provoqué le peuple à leur sauter dessus (provocantes populum ad insiliendum in eos), en disant, par exemple, que le chef mort de Saint Thomas [de Cantorbery] ou de quelque autre saint n’est pas vraiment et tout simplement la tête de ce saint, mais qu il est seulement cette tête sous un certain rapport ; qu’il ne faut point, par conséquent, le vénérer comme la propre tête de ce saint. »
À la Philosophie nouvelle, qui enseigné de telles propositions, Peckham se plaît à opposer les traditions de la Scolastique augustinienne, soigneusement gardées par les Franciscains. « Quelle est donc, écrit-il[2], la doctrine la plus saine et la plus solide ? Est-ce celle des fils de Saint François, c’est-à-dire celle de frère Alexandre de Alès et de frère Bonaventure, tous deux de sainte mémoire, et de leurs émules qui, dans leurs traités, s’appuient sur les autres saints et les autres philosophes, sans jamais calomnier ? Est-ce, au contraire, cette doctrine nouvelle (illa novella) qui lui est quasi toute contraire, qui détruit et énerve, dans la mesure de ses forces, ce que Saint Augustin enseigne au sujet des règles éternelles, de la lumière immuable, des raisons séminales 1 2
1. Henrici a Gandavo Quodlibeta ; Quodlib. X, quæst. VI : Utrum corpus Christi aut alternis sancti sit adorandum. Ed. 1516, fol. CCCCXV. recto.
2. Jean Peckham, Lettre du zer juin / 2^.5 (Denifle et Châtelain, Chartularium Universitatis Parisiensis, pièce no 523, t. I, pp. 634-635).