Anglaise exigent, du candidat au baccalauréat, qu’il ait, pendant deux ans, pris part à des discussions de sophismes. Aussi Siger de Brabant n’était-il pas le seul à écrire des Impossibilia ; Boèce de Dacie, Pierre d’Auvergne, Bonus Dacus, Nicolas de Normandie composaient à l’envi des opuscules sur des sophismes difficiles à délier.
Assurément, ces exercices de pure dialectique accoutumaient les esprits à recevoir les affirmations les plus audacieuses, sans grand souci de leur vérité intrinsèque, pourvu seulement qu’on pût développer en leur faveur des arguments spécieux. Un Siger de Brabant, un Boèce de Dacie, accoutumés à discuter sérieusement des sophismes que le simple bon sens jugeait ridicules, pouvaient soutenir au nom de la Philosophie des propositions que leur foi chrétienne tenait pour fausse et ne pas apercevoir ce qu’une telle attitude avait d’étrange.
Mais, de cette attitude, la faveur accordée à la discussion des sophismes était-elle la seule cause ? Albert le Grand n eût-il pu, par un retour sur lui-même, attribuer à son œuvre un rôle prépondérant en la création de cette forme, étrangement dédoublée, de la raison ? N’avait-il pas, tout le premier, exposé la doctrine des Philosophes comme on expose ce que l’on croit vrai, puis déclaré qu’il ne prenait pas cette doctrine à son compte et qu’il développerait en Théologie la doctrine orthodoxe qu’il tenait pour certaine ? Ces maîtres parisiens dont les thèses averroïstes effrayaient frère >gilles n’étaient-ils pas, après tout, les disciples de celui à qui frère Gilles demandait de les confondre ?
Nous n’analyserons pas tout ce qu’Albert écrit afin de résoudre les quinze problèmes qui lui étaient soumis. Nous n’y retrouverions, la plupart du temps, rien qui n’ait déjà été dit, et plus complètement, par le savant dominicain. Parfois, cependant, nous pourrions percevoir des nuances par lesquelles le nouvel exposé se distingue de l’ancien ; Albert s’efforce, semble-t-il, de restreindre les concessions excessives qu’il avait faites aux Philosophes.
Ainsi en est-il du problème de l’éternité du Monde. Au huitième livre de sa Physique, Albert avait imité de tout point, à l’égard de cette question, l’attitude de Moïse Maïmonide ; il avait nettement déclaré que ni le pour ni le contre ne se peuvent autoriser d’arguments irréfutables ; puis, à Rabbi Moïse il avait emprunté l’argument probable que le Rabbin tenait d’Al-Gazâli, argument qui tend à établir uon le commencement, mais la contingence du Monde. En l’opuscule De quindecim problematibus, nous retrou-