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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/291

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GILLES DE ROME

matière, il faut que la matière, àlaquelle elle confère la perfection, soit telle que celle à laquelle elle est conjointe ; partant, si une forme de cette sorte est conjointe à une matière étendue par la quantité, affectée par la gravité, disposée par la rareté et par d’autres accidents, il est nécessaire que cette forme soit l’acte d’une matière ainsi étendue, ainsi affectée, ainsi disposée, Igitur si forma stibstanlialis maleriam per fait, oportet eam talem maleriam perfaere quali materiæ est conjuncta ; quare si hujusmodi forma conjungitur materiæ extensæ per quantitatem. affectæ per gravedinem et dispositæ per Tarifaient et per aha accidentia, necesse est eam esse actum materiæ sic extensæ, sic affectæ et sic dispositæ. »

Mais, dira-t-on, si des formes accidentelles telles que la quantité, la gravité, la rareté affectent directement la matière première ; si le composé substantiel résulte de l’union de la forme substantielle avec une matière déjà disposée par ces accidents inhérents, voilà donc que l’accident devient un des éléments qui servent à définir la substance, au grand scandale de la Philosophie péripatéticienne ! — Non pas, répond Gilles de Rome : « De ce que la matière ainsi comprise entre en la définition de la substance, il n’en résulte pas que l’accident entre en la définition de la substance ; les choses se passent seulement de la manière que voici : c’est la matière à laquelle les accidents sont conjoints qui entre dans la définition de la substance, ce que l’on ne doit pas regarder comme absurde ; en effet,il n’y a rien d’absurde à ce qu’une forme perfectionne une matière conjointe à des accidents, du moment que celte matière conjointe aux accidentsn entre pas matière ainsi prise entre dans la définition de la substance, ce n’est pas un accident, mais une substance qui entre dans la définition de la substance. »

Telle est la théorie de Gilles de Rome. Arrêtons-nous un instant à en examiner l’audacieuse nouveauté.

Entre la matière première et la forme substantielle qui constitue l’élément, Avicenne et Avicébron mettaient un intermédiaire, une première forme, la corporéité, qui conférait l’étendue actuelle à la matière. Gilles de Rome va, dans cette voie, plus loin que ces auteurs ; avant que la matière première puisse être unie à la forme substantielle, il veut qu elle soit accomodée par son union à d’autres formes : ces formes, directement inhérentes à la matière, comprennent non seulement la quantité, qui est fort analogue à la corporéité définie par Avicenne et Avicébron, mais encore la gravité, la rareté, en un mot toutes les formes qui con-