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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/329

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GILLES COLONNA

la forme opposée ; par suite de cette privation, elle est vile, sans beauté, efféminée, c’est-à-dire défectueuse ; par suite de cette privation, son appétit n’est point assouvi ; lorsqu’elle existe sous une certaine forme, elle désire être sous une autre forme ; c’est ce que l’on voit en la matière des corps d’ici-bas.

» Lorsqu’au contraire, la matière est soumise à une forme qui n’a point de contraire, elle n’est affectée d aucune privation connexe ; elle n’est point avilie ni efféminée ; elle est sous une forme, mais jamais elle ne tend à être sous une autre forme ; telle est la matière du ciel ; comme elle n’est affectée d’aucune privation,… son appétit est rassasié et, partant, le ciel est incorruptible. »

Comment donc faut-il exactement concevoir l’unité essentielle de la matière au sein de tous les corps ?

En des corps divers, « la matière peut être appelée la même de trois manières différentes 1 :

» En premier lieu, elle peut être la même parce qu’elle est privée de tout acte et prise dans un état d’indifférence absolue ; en ce sens, elle est la même en tous les corps, tant célestes que sublunaires ; en effet, si l’on concevait que la matière des corps célestes cl la matière des corps sublunaires fussent privées de tout acte, il n’y aurait plus rien en elles par quoi elles pussent différer l’une de l’autre ; par son indifférence, Lune serait identique à l’autre.

« L’unité ou l’identité de la matière peut, en second lieu, se concevoir non comme la conséquence de l’indifférence et de la privation de toute forme, mais comme une même manière (ratio) de recevoir la forme. De cette façon-là, il n’y a point même matière dans les corps corruptibles et dans les corps incorruptibles, dans les corps célestes et dans les corps inférieurs. La forme, en effet, n est pas, ici et là, reçue de la même manière. La matière des corps inférieurs reçoit une forme de telle sorte qu’à cette forme corresponde un contraire et qu’une privation lui soit annexée ; de telle sorte donc (pie son appétit ne soit point assouvi. En second sens, donc, tous les corps inférieurs ont une seule et même matière ; tous les corps supérieurs ont aussi une seule et même matière ; mais la matière des corps inférieurs n’est pas la même que celle des corps supérieurs.

» En troisième lieu, l’identité de la matière peut se conclure i.

1. Ægidit Homani S’crZ/iZu/n super æcunt/o iSenZenZ/aruzu, Disk Xll, Pars II qnœst, IV, art, 111 ; — Cf. Pars i, cap. IX, éd. cil., aû fo|, après le foL sign. bb4, coll. a et b.