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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/349

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HERVÉ NÉDÉLEC

raison (esse rationis)… Partant, ce qui possède simplement l’existence sous forme de représentation dans une intelligence ne possède aucune existence (esse) réelle. Or ce qui possède seulement en Dieu une idée ou modèle, sans qu’aucune causalité effective soit jointe à cette idée on à ce modèle, n’a que l’existence à titre de représentation. Dès lors, les créatures, de ce lait qu’elles ont seulement, en Dieu, une idée ou modèle qui les représente de toute éternité, ne possèdent, de toute éternité, aucun être réel, ni d’essence ni d’existence.

» Il faut faire, à ce propos, une remarque qui est vraie de toute sorte de connaissance et quel que soit celui qui connaît. Ni la connaissance même ni rien de ce qui lui appartient, pourvu qu’on ne franchisse point les limites de la connaissance, ne produit une existence (esse) réelle quelconque dans ce qui est connu. Ce qui, au sujet connaissant, représente l’objet connu, que ce soit la connaissance même ou un concept ou encore une espèce, peut bien, au sens large, être appelé modèle (exemplar) ou idée, pourvu qu’on entende seulement, par modèle ou idée ce qui représente un objet ; mais on ne peut jamais lui donner le nom de cause exemplaire, sinon parce que c’est un principe qui représente un principe de connaissance, mais non pas un principe de l’objet connu ; à moins encore qu’on ne le veuille appeler cause exemplaire en l’existence connue (causa exemplaire in esse cognito) ; et dans ce cas, si l’on veut parler conformément à la réalité, on le doit appeler cause exemplaire en entendant par là qu’il est bien plutôt cause de la connaissance que cause de l’objet connu. »

Cette critique d’Hervé vise les doctrines d’Henri de Gand ; mais elle frappe, en même temps, bien d’autres enseignements.

De toute éternité, Dieu, connaissant sa propre essence, connaît toutes les créatures qui sortiront de lui. Que cette connaissance ou idée divine constitue, pour la créature, une certaine manière d’être, une certaine forme d’existence ; que cette existence éternelle au sein de Dieu se distingue de l’existence temporelle hors de Dieu, c’est une bien ancienne théorie. Jean Scot Erigène 1 a développée avec une extraordinaire ampleur ; selon lui, la créature possède, de toute éternité, au sein du Verbe de Dieu, 1 existence à l’état d’oùcm, et par cette existence, elle s identifie au Verbe même, tandis que hors de Dieu, distincte de Dieu, elle possède une existence temporelle sous forme de ®ûï’.ç. L’e « .w ? essentiel) et l’e.we existentiæ considérés par Henri de Gand correspondent évidemment à l’existence sous lorme d ourix et a l’existence sous forme de ©ûffiç que distingue Jean Scot. Bientôt,