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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/352

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D’HENRI DE GAND À DUNS SCOT

à ce qu’il me semble, implique (important) seulement ceci : En premier lieu, l’essence. En second lieu une certaine manière d’être (habitudo) de cette essence à l’égard de quelque chose qui la possède ; ou bien encore une certaine note d’attribution (nota prædicandi) que le mot être implique ex modo significandi[1] ; cette note d’attribution est désignée par le mot : est, en tant que ce verbe exprime la vérité d’une proposition ou la convenance de l’attribut avec le sujet. Dès lors, dire : telle chose est, ce n’est dire rien d autre que : telle chose possède l’essence.

» Ce que je viens de dire, j’en donne brièvement la persuasion comme ceci :

» Ce que luire est à lumière, chauffer à chaleur, courir à course, être (esse) l’est à essence. En ce cas-ci aussi bien qu’à ceux-là, ce qu’on dit d’un côté par le moyen d’un nom, on le dit de l’autre par le moyen d’un verbe. Mais luire, cela implique seulement, en premier lieu, la lumière ; en second lieu, une manière d’être {habitiido ) de la lumière à l’égard de quelque chose qui la possède, ou bien encore une note d attribution que désigne ce mot est, en tant qu’il exprime la vérité des propositions ou la convenance de l’attribut avec le sujet. Luire, en effet, ce n’est pas autre chose que posséder la lumière ; ou bien encore cela veut dire : il convient à telle chose de posséder la lumière, il convient à telle chose de posséder ce par quoi luit un corps luisant. De même, donc, être (esse) n’implique que 1 essence et la manière d’être ou la note d’attribution dont nous avons parlé. »

Voilà donc à quoi se réduit, pour Hervé Nédélec, tout ce grand débat soulevé par les métaphysiciens. Entre l’essence et être, il n’y a pas d’autre différence que celle-ci : La même pensée s’exprime ici par un verbe et là par un nom. L’essence, c’est ce par quoi un être est. Être ou exister, c’est posséder l’essence.

Nous savions, par Saint Augustin[2], que les philosophes latins avaient tiré essentia du verbe esse comme sapientia dérive du verbe saper. Thierry de Freiberg s’était autorisé[3] de ce texte pour nier qu’il y eût une distinction entre esse et essentia. Ce sont, semble-t-il, ces indications qu’Hervé développe avec ampleur et précision.

Si la distinction entre esse et essentia est purement grammaticale, c’en est fait, assurément, de la distinction métaphysique

1. La distinction entre le s/tjrrai/rca/u/n d’un terme et son znodus signï/tcandi sera, un peu plus loin, éclaircie par fauteur.

2. Voir : Troisième partie, Ch. 1, 8 VI ; t. IV, p. 3g5.

3. Voir : Quatrième partie, Ch. 111,

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