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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/383

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DUNS SCOT ET LE SCOTISME

nature, une chose une par elle-même, car le tout auquel se rapporte cette unité individuelle est, par lui-même, un tout parfait ».

Ainsi se trouve justifiée cette proposition : « Toute substance matérielle tient son individualité d’une certaine entité, positive par elle-même, qui détermine la nature spécifique jusqu’à lui conférer la singularité. — Substantia materialis est individua per aliquam entitatem, positivam per se, determinantem naturam ad singularitatem ».

À cette entité qui, en s’unissant à la nature spécifique, donne à une substance la détermination individuelle, qui fait que l’on peut, en la montrant du doigt, l’appeler : ceci, cette chose-ci, hoc, hæc res, Scot donne parfois un nom ; il la nomme[1] : hœccéité, hæcceitas.

« Vous allez demander, poursuit Scot[2] ce qu’est cette entité individuelle, d’où se prend la distinction des individus ; est-elle forme, matière ou composé ? »

La forme, la matière, le composé sont ce que le Docteur Subtil nomme les trois entités de l’essence ventilâtes quiddüalivæ) ; les deux premières sont les entités partielles et la troisième l’entité totale : l’hœccéité n’est aucune de ces trois entités.

« Toute entité essentielle, partielle ou totale, d’un genre quelconque, est de soi, en tant qu’entité essentielle, indifférente à être cette entité-ci ou celle-là ; en tant qu’entité essentielle, elle est antérieure par nature à cette autre identité par laquelle elle devient telle entité individuelle… Ainsi le composé, considéré en tant que nature, n’implique pas en lui l’entité qu’il lui faut posséder pour être ce composé [individuel]-ci ; de même la matière, considérée en tant que nature, n’inclut pas en elle-même l’entité qu’elle doit posséder pour être cette matière-ci ; de même encore, la forme, en tant que nature, ne contient pas l’entité dont elle a besoin pour être individualisée. Ainsi cette entité n’est ni la matière ni la forme ni le composé, pourvu, du moins, que ces choses soient considérées en tant que natures. Mais elle est la réalité ultime (ultima realitas) de. cet être qu’est la matière, ou de cet être qu’est la forme, ou de cet être qu’est le composé. Chacune de ces choses, [la matière, la forme et le composé] est commune [à toute l’espèce] et, aussi, peut recevoir une détermination individuelle ; bien que chacune d elles soit une seule chose (res),

1. Pour l’énumération des passages où Scot a employé le mot /tŒCcef/us, voir Pàrthenius Minqes, O/ ? — ZatttA, pp. 43-44.

2. Jüànnïs Duns Scoti Scriptiw Lib* 11, Dist, HL quæst. VI.

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