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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/51

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LA RÉACTION DE LA SCOLASTIQUE LATINE

en effet, y est répandue à titre d’acte dont ce corps est en puissance ; elle est quelque chose de la substance de ce corps ; elle y est diffusée de telle manière que ses diverses puissances partielles soient dérivées vers les diverses parties du corps, parties corporelles dont ces puissances sont les actes. Bien plutôt, l’intelligence est unie au mobile comme quelque chose qui enveloppe ce mobile de toute l’ampleur de sa force, de toute l’ampleur de sa lumière, qui est sa science accomplissant une œuvre, savoir le mouvement quelle produit ; elle l’embrasse comme le moteur embrasse ce qu’il meut, comme 1 artiste, en la forme de 1 art, enveloppe sa propre main et les instruments de son travail, comme la

Cette description de l’union entre l’intelligence et le ciel qu’elle meut est pleine de réminiscences d’Avicébron cependant, ce n’est pas le Fons vitæ, c’est le Liber de causis qui, en cette doctrine comme en beaucoup d’autres, est le constant inspirateur d’Ulrich de Strasbourg. C’est le Livre des causes qui, dans une seule substance, lui fait admettre une double nature, la nature d’une intelligence et la nature d’un moteur. Si nous en doutions, d’ailleurs, nous le lui entendrions affirmer[1] :

« C’est une seule et même chose qui, considérée selon sa nature, est intelligence, tandis que, considérée selon le rapport qu’elle a avec le mobile, elle est âme ; et parce que, comme nous l’avons vu, elle est élevée au-dessus de tout ce qui est acte d’un corps, le Livre des causes la nomme une âme noble. »

La description[2] de ce que la Philosophie nous peut enseigner touchant cette âme noble ne sera plus qu’un long et fidèle commentaire du Livre des causes, où notre auteur trouve l’inspiration qu’il ne demande plus à Aristote.

Mais outre les deux natures (rationes) d’intelligence et d’âme noble que la Philosophie découvre et analyse dans un moteur céleste, il est, en elle, une troisième nature :

« Il y a donc ici trois raisons différentes d’une seule et même chose ; considérée selon sa propre nature (natura), elle est intelligence ; considérée selon le rapport qu’elle a avec son mobile, elle est… âme noble ; mais on peut la considérer selon la manière dont elle est informée (formation), car c’est en se tournant vers le Créateur qu’elle est informée, comme le dit Saint Augustin au Livre sur la Genèse ; considérée de la sorte, elle est ange. »

  1. Ulricus de Argentina, loc. cit. ; ms. cit., fol. 299, col. d.
  2. Ulricus de Argentina, loc. cit. ; ms. cit., fol. 300, col. a, à fol. 302, col. a.