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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/583

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LES DEUX VÉRITÉS. RAYMOND LULL ET JEAN DE JANDUN

tion des doctes a changé de direction, que la Philosophie a change d’objet.

Jusqu’alors, la Philosophie dont on disputait dans les Écoles s’attaquait de préférence aux problèmes auxquelles la Théologie s’intéressait de son côté : sur les vérités que la sagesse divine a révélées, elle souhaitait de projeter un surcroît de lumière emprunté à la.sagesse humaine. Ses longs et stériles efforts l’ont enfin amené à reconnaître que cette espérance n’était qu’une trompeuse ambition. Bien loin de pouvoir rendre plus claires et plus certaines les propositions que l’Église enseigne, la science des Philosophes ne peut que les obscurcir et les ébranler. Ces propositions, en effet, sont extérieures au domaine que les méthodes de la science humaine permettent d’explorer. Tirés de l’enseignement des sens, les principes de la Philosophie ne peuvent donner de conclusions certaines, à moins qu’on ne les applique aux choses qui tombent sous les sens, aux propriétés des corps célestes et sublunaires. Que le théologien se contente donc d’expliquer, à l’aide de l’Écriture et des Pères, ce que l’Église enseigne ; qu’il ne recherche plus, en la Philosophie, une auxiliaire qui le trahirait. Que l’artiste, au contraire, demande à cette Philosophie de diriger ses études de Physique et d’Astronomie ; c’est la besogne à laquelle elle est propre.

Que la Philosophie soit désormais, pour le théologien, une source de discussions stériles et dangereuses ; qu’elle trouve, au contraire, dans les études de l’artiste, l’occasion de prouver sa fécondité ; sont-ce là pensées coutumières à l’esprit de Jean de Jandun ? On n’eu saurait douter, croyons-nous, lorsqu’on lit le traité, d’une si élégante latinité, qu’il composa à Senlis, en 1323, à la louange de Paris, De laudibus Parisius[1].

Dans ce Paris dont il veut chanter les merveilles, ce qui retient, en premier lieu, l’attention de Jean de Jandun, c’est la Faculté des Arts, c’est sa Faculté[2]. Et quels termes d’une admiration émue il trouve pour parler de cette « rue dite du Fouarre » où l’on enseigne les sept arts libéraux, et où, « de plus, la clarté ires agréable de toute lumière philosophique, répandant les rayons de la pure vérité, illumine les âmes capables de la recevoir… ! N’est-ce pas dans cette rue que sont démontres les

1. Joannis de Janduno 7’ractalus de laudibus Parisius (Paris et ses historiens au A7l’ « et A-F® Ætdc/es* Documents et écrits originaux recueillis et commentés par Le Koux de Lincï et L. M. Tisserand. Parts, 1867, pp. 31-79).

2. Joannis de Janduno Op. laud., Pars I, cap. I : De laude Studii parisiensis, primo quantum ad facultatem philosophie sen artium ; éd. cit., pp. 34-37.

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