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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/675

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GUILLAUME D’OCKAM ET L’OCCAMISME

d’autre principe certain et évident que celui-là, est conséquent avec lui-même lorsqu’il écrit à Bernard d’Arezzo[1] :

« Que cela vous plaise ou que cela vous déplaise,… il résulte de là qu’Aristote, en toute sa Physique et en toute sa Métaphysique, n’a eu de certitude telle [que nous l’avons définie] que de deux conclusions à peine ; et peut-être ne l’a-t-il pas eue même d’une seule conclusion. Il en est de même, et à plus forte raison, de Frère Bernard, qui ne saurait surpasser Aristote.

» Et non seulement Aristote n’a pas eu, [de ces conclusions], la connaissance évidente, mais encore (je ne soutiens pas formellement ce que je vais dire, bien que j’aie, pour le prouver, une raison que je ne saurais réfuter) il n’en a même pas eu une connaissance probable. On ne peut, en effet, en vertu d’un certain antécédent, avoir la connaissance probable d’un certain conséquent, si l’on ne sait pas, d’une manière certaine et évidente, que le conséquent a quelquefois accompagné antécédent. Ainsi en va-t-il en réalité, à la bien considérer, de toute connaissance probable. Par exemple, j’ai reconnu quelquefois avec évidence que j’avais chaud lorsque j’approchais ma main du feu ; il me semble donc probable que si, maintenant, j’approchais ma main du feu, j’aurais chaud. Mais d’après la règle formulée ci-dessus, personne, étant données ces choses qui nous apparaissent avant tout raisonnement discursif, personne, dis-je, n’a jamais connu avec évidence qu’il existât de ces autres choses, différentes des premières de quelque manière que ce soit, choses auxquelles on donne le nom de substance, il résulte de là que nous n’avons aucune connaissance probable de l’existence de ces choses. Je ne soutiens pas cette conclusion ; délie qui pourra cc raisonnement ; assurément, quelque solution se présentera. »

De la Physique et de la Métaphysique péripatéticiennes, et même de toute Physique et de toute Métaphysique, la critique de Nicolas d’Autrecourtn’a rien laissé debout ; ne nous attardons pas à énumérer les ruines dont elle a jonché le sol de la Philosophie ; venons à la description du système que notre auteur a construit.

Chose surprenante, en effet, Nicolas parait ne s’être pas contenté de négations, et avoir constitué une doctrine faite de propositions affirmatives.

Comment les règles de critique suivies par notre auteur lui ont-elles laissé la liberté de formuler de telles propositions ? C’est une question à laquelle nous ne saurions répondre d’une manière

  1. Joseph Lappe, Op. laud., p. 13..