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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/72

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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

Ce qu’enseignaient Robert l’Anglais et Barthélemi de Panne, un plus grand qu’eux l’enseignait aussi ; nous avons nommé Saint Thomas d’Aquin. « Tous les corps inférieurs, disait-il[1], agissent par la vertu du ciel. »

Dans une suite d’articles au sujet desquels Jean de Verceil, prieur général de Tordre de Saint Dominique, demande 1 avis de Thomas d’Aquin, nous trouvons celui-ci[2] :

« Dans l’ordre naturel, un forgeron pourrait-il mouvoir la main pour faire quoi que ce soit sans le ministère des anges qui meuvent les corps célestes ? »

Thomas d’Aquin répond en posant une distinction : « Qu’un homme ne puisse mouvoir sa main, dit-il, cela peut arriver de deux manières.

» D’une première manière, par un défaut de l’amc qui meut, parce que l’âme, par exemple, n’a pas la puissance capable de mouvoir le corps. En ce sens, la proposition énoncée est fausse. C’est, en effet, par son libre arbitre que l’âme meut le corps ; or ce libre arbitre n’est soumis ni aux corps célestes ni aux anges ; il n’est soumis qu’à Dieu.

» D’une seconde manière, cela peut arriver par un defaut du membre corporel ; ainsi un homme dont la main est enchaînée ou paralysée ne la peut mouvoir. De cette façon-là, si le ciel venait à s’arrêter, l’organe corporel ne pourrait plus être mis en mouvement par l’âme, car il ne resterait pas en vie ; cc sont, en effet, les corps célestes qui communiquent aux corps inférieurs le mouvement vital, comme ou le voit par l’autorité de Denys citée ci-dessus. Toutefois, si par la puissance divine, et hors de l’ordre de la nature, le corps d’un homme demeurait en vie bien que le ciel se fût arrêté, s’il était conservé en cette disposition qui le rend capable d’être mû par l’âme, l’homme pourrait encore, par son libre arbitre, mouvoir toute partie de son corps. »

Un certain vénitien avait, à son tour, posé à Saint Thomas d’Aquin diverses questions dont plusieurs sont identiques à des articles énumérés par Jean de Verceil. En particulier, parmi ces questions, se retrouvait celle-ci[3] : « Sans les anges qui meuvent les corps célestes, un forgeron pourrait-il mouvoir sa main ou

1. Sancti Thumæ Aquinatis Quodlibetales quœsli’jnes, Quodlibclum VI, iitl.XIX.

2. Sancti Thomas Aqutnatis Opuscala. Opusc. A ; Responsio ad Mayislrum Joannem Vercellensem de //z articulis. Art. VIH.

3. Sancti Thqmæ Aquinatis Ontiscula ; Opusc. XI : Responsio ad lectorem venetum de arhcults 36, Artic. X,

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