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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VI.djvu/74

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LE REFLUX DE L’ARISTOTÉLISME

parfaites que les corps célestes… Les éléments, donc, agissent en vertu des corps célestes, et les corps célestes agissent en vertu des substances séparées. Dès là, donc que l’action de la substance séparée vient à prendre fin, il faut que cesse l’action du corps céleste ; et dès là que celle-ci s’arrête, il faut que s’arrête également l’action du corps élémentaire.

» Mais il faut savoir qu’un corps peut avoir deux sortes d’actions.

» Une de ces actions provient de la propriété même que possède tout corps, celle d’agir parle mouvement ; c’est, en elfet, le propre du corps, qu’une fois mis en mouvement, il meuve et agisse à son tour.

» L’autre sorte d’action, le corps la possède en tant qu’il a contact avec les substances séparées et qu’il y participe d’une certaine manière… Cette action du corps ne consiste pas dans une transmutation de la matière ; mais elle consiste à diffuser dans le milieu une ressemblance d’une forme….C’est de cette façon que le soleil illumine l’air ou qu’une couleur propage son espèce au sein d’un milieu.

» Ces deux sortes d actions sont, dans les corps inférieurs, causés par les corps supérieurs. D’une part, le feu, par la vertu du corps céleste, transmue la matière à l’aide de sa chaleur. D’autre part, les corps visibles propagent leurs espèces dans le milieu par la vertu de Ja lumière dont le corps céleste est la source.

» Partant, si les deux actions du corps céleste venaient à cesser, nulle action ne demeurerait dans les corps d’ici-bas. Mais si le mouvement du ciel s’arrêtait seul, la première action prendrait fin, et la seconde, non ; partant, le mouvement du ciel s’étant arrêté, il y aura bien encore dans les choses inférieures une certaine action, celle qui consiste en illumination d’un milieu ou en changement imposé à ce milieu par les qualités sensibles ; mais l’action qui transmue la matière, l’action qui a la génération et la corruption pour conséquences, celle-là ne sera plus. »

Cette doctrine ne manquera pas de soulever des objections. « Une puissance naturelle, dira-t-on, est déterminée à un objet unique ; la vertu du feu, par exemple, est déterminée à échauffer et non à ne pas échauffer. Or, après la lin du monde, » et, partant, après que le mouvement du ciel se sera arrêté, « le feu et les autres éléments garderont leur vertu, comme il a été dit ; il est donc impossible que le leu et les autres éléments ne continuent pas d’agir. »