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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/11

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE


ces. Les physiciens du xvie siècle furent célébrés comme des créateurs auxquels le monde devait la renaissance des sciences ; ils n’étaient, bien souvent, que des continuateurs et, quelquefois, des plagiaires.

En la substitution de l’Astronomie des excentriques et des épicycles à l’Astronomie des sphères homocentriques, l’expérience avait seule agi ; elle jouera encore un rôle important en la destruction de la Dynamique d Aristote, en la création de la Dynamique nouvelle ; hors ces deux circonstances, elle contribuera fort peu à la substitution des idées nouvelles aux idées anciennes ; cette substitution résultera de discussions philosophiques, et ces discussions elles-mêmes seront issues, la plupart du temps, du désir de ne rien admettre comme vrai qui ne soit conforme à l’orthodoxie catholique, du souci de ne point encourir les condamnations portées par l’autorité ecclésiastique ; on peut dire que les excommunications prononcées à Paris, le 7 mars 1277, par l’évêque Étienne Tempier et par les docteurs en Théologie furent l’acte de naissance de la Physique moderne[1].

En particulier, si, dès le xive siècle, les principes formulés par Aristote au sujet du nombre infini et de la grandeur infinie ont été bouleversés ; si, à ce sujet, des idées nouvelles ont été énoncées, discutées, précisées au point de préparer et, parfois, d’amorcer la création du calcul infinitésimal, on le doit à la foi en deux dogmes : Le dogme de l’immortalité personnelle de chacune des âmes humaines et, surtout, le dogme de la toute-puissance créatrice de Dieu.

Pour Aristote, on s’en souvient[2], toute la théorie de 1 infiniment grand se résumait en quatre affirmations :

L’existence d’une multitude actuellement infinie d’objets distincts les uns des autres est contradictoire.

Une multitude d’objets distincts les uns des autres peut être infinie en puissance ; c’est-à-dire que, quelque grand que soit un nombre infini de tels objets, on peut toujours adjoindre de nouveaux objets et, partant, former un nombre plus grand.

L’existence d’une grandeur continue actuellement infinie est contradictoire.

L’existence d’une grandeur continue infinie en puissance est une impossibilité ; c’est-à-dire qu’en ajoutant les unes aux autres

  1. Ce mot est de l’un des hommes qui ont le plus médité sur les démarches de la pensée chrétienne au Moyen-Âge, de mon collègue et ami M. Albert Dufourcq.
  2. Voir tome I, chap. IV, p. 177.