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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/27

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

contre que toute discussion scolastique se plaît à aligner ; mais qu’elles soient admises ou rejetées, ce n’est plus elles qui entraîneront ou arrêteront la conviction de l’auteur.


II
Les arguments géométriques contre la divisibilité
à l’infini


Avant de s’élargir, la théorie de l’infini va se préciser ; et cette précision lui viendra surtout par l’étude de l’infiniment petit, de la divisibilité du continu à l’infini, questions sur lesquelles, à part de rares atomistes, comme Gérard d’Odon, Nicolas Bonet ou Nicolas d’Autrecourt, presque tous les scolastiques s’accordent entre eux et avec Aristote,

Les adversaires de la doctrine de Leucippe et d’Épicure s’efforçaient fréquemment de la ruiner au nom de la Géométrie : ils se plaisaient à en tirer des conséquences qui fussent en contradiction avec les enseignements des mathématiciens.

Il semble qu’il faille regarder Roger Bacon comme l’initiateur de cette méthode ; en son Opus majus, qu’il adressa, en 1266 ou en 1267, au pape Clément IV, il emploie l’argument suivant[1] :

Si les lignes sont composées d’atomes, la diagonale du carré et le côté de cette même figure ont même rapport que les nombres entiers d’atomes dont ces longueurs sont formées ; elles sont donc commensurables entre elles, contrairement à ce qu’enseignent les mathématiciens.

L’indication contenue en ce passage a été grandement développée par Jean de Duns Scot en son commentaire aux Quatre livres des Sentences de Pierre Lombard[2].

Duns Scot distingue deux formes de la doctrine qu’il prétend combattre. Lune consiste à affirmer que le continu est composé d’indivisibilia, c’est-à-dire d’atomes discontinus séparés les uns

  1. Fratris Rogeri Bacon, Ordinis Minorum, Opus majus ad Clementem quartum, Pontificem Romanum, ex MS, Codice Dubliniensi, cum aliis quibus dam collato, nunc primum edidit S. Jebb, M. D. ; Londini, typis Gulielmi Bowyer, MDCCXXXIII ; p. 93.
  2. Joannis Duns Scoti Scriptum Oxoniense in IIm librum Sententiarum ; Dist, II, quæst. IX : Utrum angelus possit moveri de loco ad locum motu continuo Maurice du Port, en son édition du Scriptum Oxoniense, regarde comme authentique le passage que nous analysons.