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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/319

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

toute forme absolue est de cette sorte) ne peut, dit-il[1], être appelée changement. Ni la blancheur ni une forme substantielle n’est mouvement ni génération… Il faut que tout changement soit ou bien un acte instantané ou bien un acte successif, un acte en devenir ; instantané, comme une génération, ou successif comme un mouvement ; par conséquent, il est impossible qu’une forme permanente soit changement ou mouvement ; cela est évident par la nature même du changement, qui exclut l’existence permanente ; ce qui demeure, en tant qu’il est de nature permanente, ne change pas ; bien mieux ! ce qui demeure et ce qui change sont opposés l’un à l’autre comme le noir et le blanc. »

« Il est impossible, dit encore Jean de Bassols[2], que le mouvement demeure lorsque le mouvement est terminé ; or, une fois le mouvement terminé, demeure la forme à l’égard de laquelle le mobile est maintenant en repos ; et tout ce qui a précédemment existé de cette forme, en la totalité du mouvement, demeure alors ; le mouvement n’est donc ni cette forme ni quelque chose de cette forme ; sinon, ce serait une seule et même chose qui constituerait le mouvement et le repos au terme du mouvement… Je dis donc qu’identifier le mouvement et la forme, c’est supposer en mouvement ce qui est en repos et supposer en repos ce qui est en mouvement. — Unde dico quod ponere motum et formam esse idem, est ponere quiescens moveri, et motum quiescere. »

Comme le mouvement, le temps, tel qu’il existe hors de notre esprit, est lui aussi, une réalité coulante. La réalité permanente, en effet, n’est pas la seule qui soit douée d’existence. « Il y a une autre sorte d’être qui est variable, et cela de la façon suivante[3] : D’une manière intrinsèque, il possède des parties distinctes qui se succèdent l’une à l’autre ; lorsque l’une de ces parties existe, l’autre n’existe pas. Le mouvement, qui appartient au genre des réalités successives, est de telle sorte, comme on l’a dit au premier livre. La mesure durative — disons la durée — d’un tel être se nomme temps. Le temps est, lui aussi, une mesure successive ; ce n’est pas une chose permanente, mais une chose coulante (…tempus quod est etiam mensura successiva, et non est aliquid permanens, sed fluens)

» Les parties successives (prius et posterius) du temps ne sont

  1. Opera Joannis de Bassolis in quatuor Sententiarum libros, lib. I, dist. VIII, quæst. III, art. I, fol. XCIII, col. c et d.
  2. Joannis de Bassolis Op. laud., lib. I, dist. XIII, quæst. unica, art. II, 3a opinio, fol. CVII, col. d.
  3. Joannis de Bassolis Op. laud., lib. II, dist. II, quæst. I, art. I ; fol. XXIII, col. d, et fol, XXIIII, col. a.