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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/414

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LE MOUVEMENT ET LE TEMPS

ments ou supposait-il que la multitude en fût infinie ? À cette question, le texte de Jean le Chanoine ne nous fournit aucune réponse formelle. La discussion à laquelle il soumet la théorie du Maître général des Franciscains paraît indiquer que celui-ci est demeuré en suspens entre les deux partis, car certaines objections qui lui sont adressées visent certainement la première hypothèse, tandis que certaines autres objections s’adressent à la seconde.

Nicolas Bonet nous a clairement présenté l’opinion que nous savons être celle de Gérard d’Odon ; mais, bien qu’il ne la rejette pas en termes explicites, il ne paraît pas qu’il l’admette, car, à maintes reprises, il développe une théorie sensiblement déférente, et qui a certainement ses préférences.

Selon Gérard d’Odon, une ligne continue était composée de points. Chaque point avait deux extrémités, deux côtés, un devant et un derrière. Ces extrémités, ces côtés, n’étaient pas des points. C’est par ces extrémités ou côtés que la continuité s’établissait entre les divers points d’une ligne, le derrière de chaque point ne faisant qu’un avec le devant du point précédent.

Au gré de Nicolas Bonet, il en va autrement.

Une ligne, par exemple, est composée de parties indivisibles. Chaque partie indivisible a deux extrémités qui sont des points[1]. Ces parties indivisibles sont soudées les unes aux autres parce que deux parties consécutives ont un point commun[2]. Cette structure discontinue est celle de la ligne dans l’existence réelle, hors de notre esprit ; mais dans l’existence conceptuelle, au sein de notre esprit, il en est tout autrement ; là, la ligne est continue ; entre deux points quelconques, l’esprit peut toujours marquer un troisième point, en sorte que la ligne conçue contient, en puissance, une infinité de points[3]. Ces trop courtes indications, notre auteur promet de les développer dans son traité De prædicamentis[4] ; c’est donc en ce Traité des prédicaments qu’il nous faut aller chercher la doctrine de Bonet.

Fidèle à sa méthode habituelle, notre auteur exposera successivement diverses théories sur la constitution de la grandeur continue ; il mettra au dernier rang celle à laquelle vont ses préféren-

  1. Nicolai Boneti Physica, lib. VI, cap. II ; Bibl. Nat., fonds latin, ms. no 6678, fol. 160, vo ; ms. no 16132, fol. 126, col. d.
  2. Nicolai Boneti Op. laud., lib. IV, cap. IX ; ms. no 6678, fol. 143, ro ; ms. no 16132, fol. 111, col. d.
  3. Nicolai Boneti Op. laud., lib. VI, cap. II ; ms. no 6678, fol. 160, vo ; ms. no 16132, fol. 126, col. d.
  4. Nicolai Boneti Op. laud., lib. IV, cap. IX ; ms. no 6678, fol. 143, ro ; ms. no 16132, fol. 126, col. d.