réalité, à la raison spécifique de la charité par l’effet d’une sorte de réduction ; elle est, pour ainsi dire, une co-charité (concharitas). C’est une réalité qu’il est absolument impossible, soit d’une manière effective, soit par abstraction, de prendre séparément. La divine Puissance elle-même ne pourrait la produire d’une manière isolée ; elle ne peut ni recevoir une existence distincte et déterminée, ni être conçue par l’intuition ; elle n’est intelligible qu’autant qu’elle est conçue avec autre chose qui la termine. L’intelligence même d’un ange ne pourrait, par intuition, diviser en deux charités distinctes la charité qui a subi une augmentation. Lorsque la charité augmente, elle se comporte comme un être auquel on ajoute quelque chose qui n’est pas une charité, mais qui fait partie de la charité (aliquid charitatis, non charitas). On doit comprendre de la même manière l’augmentation de la blancheur, de la chaleur et de toute autre forme. »
La pensée de Pierre Auriol paraît avoir été de concilier dans une certaine mesure des doctrines adverses ; comme il arrive souvent, cette tentative de conciliation n’a fait qu’augmenter la confusion.
Cette confusion devint telle après Auriol, qu’on ne saurait dire dans quel parti se rangent certains auteurs.
Elle est bien remarquable, cette confusion, dans ce qu’écrit le carme Jean Bacon de Baconthorpe († 1346). Cet auteur paraît vouloir adhérer à la fois à toutes les doctrines, contradictoires entre elles, qui ont été proposées.
Il commence par donner, du mot latitude ? une définition qui est une adhésion formelle à la théorie d’Henri de Gand : « La cause, précise, dit-il[1], pour laquelle une forme est susceptible de plus ou de moins, c’est la latitude que la forme possède, en son essence même, d’acquérir ou de perdre des degrés. Si vous me demandez pourquoi la blancheur peut être, en un même sujet, tantôt plus intense et tantôt plus affaiblie, je dis que la cause précise en est la suivante : La blancheur peut tantôt affecter son sujet et tantôt le délaisser, de telle manière qu’elle y ait une existence plus intense ou moins intense. »
Ce qu’exprime la dernière phrase, ce n’est plus la pensée d’Henri de Gand, c’est celle de saint Thomas d’Aquin.
Mais lorsqu’il s’agit de préciser de quelle manière se fait, en une
- ↑ En Lector Doctoris resolute Ioannis Bacconis Anglici Carmelitæ radiantissimum opus super quatuor sententiarum libris — Colophon du premier livre : Theologi excellentissimi Joannis Bacconis Anglici Carmelitæ Questiones disputate in primum sententiarum. Explicite Mediolani. In officina libraria Leonardi Vegii anno. MDX die XXIII Aprilis. Lib. I, dist. XIV, quæst. I, art. V ; fol. cviii, col. c.