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Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VII.djvu/55

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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

De même, une particule suffisamment petite de feu, tout en demeurant spécifiquement du feu, n’aurait plus assez de vertu pour engendrer son semblable, pour se mouvoir, pour émouvoir nos sens ; à l’égard de ces diverses propriétés, le feu n’est pas divisible à l’infini.

Les Scolastiques ou, du moins, ceux qui traiteront avec quelque détail la question dont nous nous occupons, vont se partager entre l’opinion de Gilles de Home et l’opinion de Richard de Middleton.

C’est l’opinion de Gilles que Jean de Jandun semble admettre, mais il y introduit une précision.

Cette précision est indiquée d’une manière très sommaire et assez peu claire dans les quelques lignes que les Questions sur la Physique d’Aristote consacrent à cette doctrine[1]. Si nous comprenons bien ces lignes, elles signifient qu’aucune limite inférieure ne borne la divisibilité d’une grandeur tant que les parties demeurent adhérentes au tout, donc tant que la division est conçue mais non effectuée ; mais que les parties obtenues par la division ne peuvent être séparées du tout et subsister isolément si leur grandeur ne surpasse un certain minimum.

Jean de Jandun est plus explicite dans les Questions qu’il a composées sur le De substantia orbis d’Averroès ; parmi ces Questions dont, au temps de la Renaissance, la vogue fut si grande en l’École averroïste de Padoue, et qui furent si souvent reproduites par l’imprimerie, il en est une[2] où l’auteur examine si chaque forme naturelle est terminée par un certain maximum et un certain minimum. Après avoir répondu affirmativement à cette interrogation, Jean de Jandun examine quelques difficultés qu’on lui pourrait objecter.

Toute forme naturelle est unie à une matière ; cette matière, selon la doctrine d’Averroès, dont Jean de Jandun est le ferme champion, possède, nécessairement et par elle-même, trois dimensions ; c’est dire que cette matière est divisible à l’infini suivant chacune de ces trois dimensions ; n’en est-il pas nécessairement de même de la substance que constitue cette matière informée ?

À cette objection, notre averroïste répond en ces termes : Une substance naturelle, du feu par exemple, en tant qu’elle est quantité, qu’elle occupe un certain volume, est divisible à l’infini ; en tant qu’elle est substance naturelle, elle n’est plus indéfiniment

  1. Joannis de Janduno Super octo libros Aristotelis de physico auditu subtilissima quæstiones : lib. VI, quæst. I.
  2. Joannis de Janduno Quæstiones super Averrois sermonem de substantia orbis ; quæst. VIII : An forma naturalis ad maximum et minimum determinetur.