» Seconde règle : Toute proposition relative à l’infini syncatégorique s’explique à l’aide d’une copulative ; de cette copulative, la première partie affirme que le prédicat convient au sujet pris sous une certaine quantité, cette quantité étant d’ailleurs une grandeur continue ou une multitude discrète ; la seconde partie nie que le prédicat appartienne seulement au sujet lorsque celui-ci est pris en telle quantité déterminée. Ainsi cette proposition : Une infinité d’hommes courent, s’explique ainsi : Un certain nombre d’hommes courent, et ce nombre ne saurait être tel que la proposition ne soit encore vraie pour deux hommes de plus, pour trois hommes de plus, etc. (non tôt quin plures duobus vel tribus). Elle peut encore s’expliquer ainsi : Un certain nombre d’hommes courent et aussi, en plus de ce nombre, autant, d’hommes que l’on voudra.
» La troisième règle concerne l’infini catégorique : Toute proposition relative à l’infini pris d’une manière significative [c’est-à-dire catégorique] s’explique à l’aide d’une copulative. De cette copulative, la première partie affirme que la quantité convient au sujet ; la seconde partie nie le terme de cette quantité. Ainsi cette proposition : Une ligne est infinie signifie que cette ligne est longue et, en outre, qu’il n’y a pas de terme à sa longueur. Il en est ainsi, du moins, si l’infinitude appartient au prédicat. Si l’infinitude affecte le sujet, la première partie de la copulative affirme que le prédicat convient au sujet qui est doué de grandeur, et la seconde partie nie le terme de cette grandeur. Ainsi cette proposition : Un certain corps infini est blanc, signifie : Un certain corps doué de grandeur est blanc, et à la grandeur de ce même corps, il n’y a pas de terme. »
Cette distinction entre le sens catégorique et le sens syncatégorique du mot infini est absolument indépendante de la distinction entre l’acte et la puissance. C’est ce que Pierre l’Espagnol a soin de marquer à la fin de la page que nous venons de traduire :
« Remarquez qu’il faut nier l’existence du terme de cette quantité de la même façon que le prédicat où le sujet est dit infini ; en sorte que s’il est dit infini en acte, il faut nier l’existence de tout terme à cette quantité actuelle ; mais s’il est dit infini en puissance, si c’est seulement suivant une grandeur potentielle, et non pas suivant une grandeur actuelle, qu’il est infini, c’est le terme de cette grandeur potentielle, et non d’une grandeur actuelle, qui doit être nié : et cela, qu’il s’agisse d’un infini par addition ou d’un infini par division. »
On ne saurait affirmer plus clairement qu’un infini catégorique