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CHAPITRE VIII
LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

I
Le Vide et la Philosophie Arabe. Ibn Badja

En l’an 1277, Étienne Tempier, évêque de Paris, a condamné ces deux erreurs :
34 [27][1] « La Cause première ne peut faire plusieurs mondes. »
49 [66] « Dieu ne peut mouvoir le ciel d’un mouvement de translation ; la raison en est qu’alors le ciel laisserait un vide. »

La première de ces condamnations a rendu caduque tout ce que le Péripatétisme avait enseigné touchant l’impossibilité de la grandeur infinie, tant en acte qu’en puissance. Elle a contraint le Moyen-Âge à reprendre sur nouveaux frais toute la théorie de l’infini. Au xive siècle, l’Université de Paris s’est partagée, au sujet de ce problème, en deux grandes écoles ; mais partisans de la grandeur infinie catégorique et tenants de la seule grandeur infinie syncatégorique se réclamaient également du décret porté par Etienne Tempier.

La seconde condamnation a bouleversé la théorie péripatéticienne du lieu. Elle a conduit les docteurs de Paris à fonder sur des bases nouvelles la philosophie du lieu et du mouvement local et, pour y parvenir, ils ont, d’un effort puissant et vigoureux, creusé ces problèmes jusqu’à mettre en lumière des pensées qui étaient demeurées profondément cachées.

Les deux condamnations dont nous venons de rappeler les termes ont contribué à la fois à ruiner la théorie péripatéti-

  1. Le premier nombre indique l’ordre occupé par la proposition condamnée dans le décret d’Étienne Tempier ; le second placé entre [], l’ordre de cette proposition dans la classification du R. P. Mandonnet.