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L’HORREUR DU VIDE

peut être prouvée par induction expérimentale, et cela de la manière suivante : En plusieurs cas particuliers de cette proposition, on trouve manifestement qu’il en est ainsi, et jamais, en aucun cas particulier, il n’apparaît d’objection. D’ailleurs, Aristote dit fort bien que beaucoup de principes doivent être reçus et connus par le sens, la mémoire et Inexpérience ; jamais il ne nous a été possible de savoir que tout feu est chaud.

» Or, par une semblable induction expérimentale, il nous apparaît qu’aucun lieu n’est vide. Partout, en effet, nous rencontrons quelque corps naturel, soit l’air, soit l’eau, soit quelque autre substance. En outre, nous constatons par l’expérience que nous ne pouvons séparer un corps d’un autre, à moins qu’un troisième corps n’intervienne. Aussi, si tous les trous d’un soufflet étaient si parfaitement bouchés que l’air n’y j)ût pénétrer, nous ne pourrions jamais séparer l’une de l’autre les deux parois du soufflet ; et vingt chevaux, dont dix tireraient d’un côté et dix de l’autre ne le pourraient faire davantage ; jamais les deux parois du soufflet ne se sépareraient l’une de l’autre à moins qu’une rupture ou une perforation ne permit à quelque corps de se glisser entre elles. Avec un chalumeau dont vous mettez une pointe dans du vin et l’autre dans votre bouche, en aspirant l’air que contient le chalumeau, vous attirez le vin, vous le forcez à monter, encore qu’il soit grave ; il faut, en effet, que cet air que vous aspirez soit immédiatement suivi de quelque autre corps, afin qu’il n’y ait pas de vide. Il y a ainsi une foule d’autres expériences mathématiques.

» Nous devons donc accorder que le vide ne peut naturellement exister, à titre de vérité connue par ce moyen qui suffit à poser et concéder les principes en Physique. Par cette induction, il est acquis qu’il n’y a pas de vide… Toujours, en effet, nous voyons les corps naturels se suivre en demeurant contigus les uns aux autres ; entre eux, il ne se forme aucun espace dépourvu de tout corps naturel, d’air ou d’eau ou de quelque autre substance de ce genre. »

Dans son Abrégé de Physique, Marsile d’Inghen nous fait entendre un écho fidèle de l’enseignement de Buridan.

« Le vide, dit-il[1], ne peut exister naturellement ; on le prouve : En Physique (in philosophia naturali) on doit accorder comme un principe, ce qui peut être prouvé par induction expérimentale ; or, de cette manière, on peut prouver par induction expé¬

1. Marsilii Inguen Abbreviationes libri phisicorum, fol. sign. e, col. d.

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