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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

propos qu’Ibn Bâdjâ tenait « au septième chapitre de son livre ». Les voici :

« En son quatrième livre, Aristote a évalué le rapport entre la résistance opposée par le milieu plein au corps qui se meut dans ce milieu et la puissance du vide. Mais ce rapport n’est pas ce que l’on juge en suivant son opinion. Le rapport qui existe entre la densité (spissitudo) de l’eau et la densité de l’air n’est pas égal au rapport de la vitesse du mouvement de la pierre dans l’air à la vitesse du mouvement dans l’eau. C’est le rapport de la cohésion (potentia continuitatis) de l’eau à la cohésion de l’air qui est égal au rapport du retard accidentellement apporté au corps qui se meut par le milieu dans lequel il se meut, l’eau par exemple, au retard qui lui est accidentellement apporté quand il se meut dans l’air.

» En effet, si les choses se passaient comme certains le croient, le mouvement naturel serait un mouvement violent. Et s’il n’y avait pas de résistance, comment donc y aurait-il mouvement ? Il serait nécessaire qu’il se fît en un instant. Que dira-t-on, alors, du mouvement de rotation ? Là, en effet, il n’y a pas de résistance, il n’y a aucune division [du milieu], car le lieu de chaque cercle demeure toujours le même ; on ne voit pas un lieu devenir vacant et un autre lieu se remplir. Il faut donc que le mouvement de rotation se fasse en un instant. Mais, dans le mouvement de rotation nous observons et la lenteur la plus grande, dans le mouvement propre des étoiles fixes,jet la plus grande vitesse, dans le mouvement diurne.

» Tout cela a lieu simplement à cause de la différence de noblesse entre le moteur et la chose mue. Plus le moteur est noble, plus la chose qu’il meut est vite ; lorsque le moteur est moins noble, il est, en noblesse, plus voisin de la chose mue ; alors le mouvement est plus lent.

» Telles sont les paroles d’Avempace. »

Averroès ajoute :

« Si l’on accorde ce que dit Avempace, la démonstration d’Aristote est fausse. Si le rapport de la subtilité d’un milieu à la subtilité d’un autre milieu est égal au rapport du retard accidentellement apporté au mobile par ce milieu-ci au retard accidentellement apporté par ce milieu-là, et non pas égal au rapport des vitesses, il n’en résulte plus que ce qui se meut dans le vide se meuve en un instant. Alors, en effet, ce qui est enlevé à ce mobile, c’est seulement le retard qui lui advenait par l’effet du milieu, et il lui reste le mouvement naturel ;