Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/155

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
152
LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

lors même que la pierre lancée serait de la taille d’une meule de moulin ou incomparablement plus grande. Platon pensait que le premier air ébranlé en mouvait un second, et ainsi de suite jusqu’à la fin ; mais un mouvement de cette sorte serait un mouvement violent. Selon ce qu’affirme Aristote, au contraire, tant au milieu du mouvement qu’à la fin, la force motrice active, en ce qui concerne l’air qui maintient le mouvement, serait naturelle. Le même Aristote et les autres Péripatéticiens attribuent à l’eau une nature qui a même facilité pour recevoir d’un moteur violent une impression quelconque, et même propriété de mouvoir ensuite par sa nature.

» Mais cela ne peut appartenir uniquement à la nature particulière de l’air et de l’eau ; c’est une propriété que la nature universelle a imprimée à l’élément fluide.

» En effet, de deux objets opposés, il en est toujours un auquel rend la nature particulière ; la nature universelle, au contraire, regarde de même façon ces deux objets opposés ; lors donc que la nature particulière agit, la nature universelle collabore avec elle ; mais elle pourra aussi opérer en sens contraire de la nature particulière. »

C’est bien la théorie imaginée par Roger Bacon ; l’inventeur ne l’avait appliquée qu’aux expériences où les corps graves suspendent leurs mouvements naturels pour éviter le vide ; audacieusement, son disciple a tenté de la généraliser et d’en tirer une explication du mouvement des projectiles. Les physiciens qui viendront après l’auteur de la Summa philosophiæ ne renouvelleront *pas sa tentative ; comme Bacon, c’est seulement aux expériences relatives à la fuite du vide qu’ils appliqueront la notion de nature universelle ; seul, Jean de Dumbleton écrira, au sujet du mouvement des projectiles, une page où l’on pourra peut-être reconnaître un souvenir de la Summa Lincolniensis.

Les Commentaires sur la Physique d"Aristote, composés par Gilles de Rome, sont le premier écrit où nous remarquions, au sujet du vide, l’influence des idées émises par Bacon.

Cette influence se devine déjà, croyons-nous, dans ce que Gilles de Rome dit de l’expérience de la clepsydre :

« On prouve, écrit-il[1], que l’air est quelque chose au moyen d’un certain vase qu’on appelle clepsydre ; il a un trou dans

1. Ægidii Romani In libros de physico audita Aristotelis commentaria, lib. IV lect. X ; éd. Venetiis, 1502 ; fol. 76, col. a.

  1. 1