Page:Duhem - Le Système du Monde, tome VIII.djvu/170

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
167
L’HORREUR DU VIDE

pouvoir pour empêcher le vide. Puis donc que les causes génératrices particulières ont des forces très débiles en comparaison de la cause génératrice universelle, en quelque nombre qu’elles unissent leurs actions en vue de produire le vide, elles ne parviendront jamais à l’engendrer…

» En outre, un instrument ne peut agir que dans le but pour lequel il est mis en mouvement par l’agent principal. Or une cause génératrice particulière se comporte, à négard de la cause génératrice universelle comme un instrument à l’égard d’un agent principal, et en voici la raison : De même qu’un instrument agit en vertu de l’agent principal, de même les causes génératrices particulières agissent en vertu de la cause génératrice universelle. Toute cause génératrice naturelle et particulière agit donc dans le but pour lequel elle est mue par la cause génératrice universelle. Mais, nous l’avons dit, la cause génératrice universelle agit de tout son pouvoir contre la production du vide ; il faut donc qu’elle mette en mouvement vers ce même objet chaque cause génératrice particulière. Dès lors, non seulement le vide ne saurait provenir de l’action d’une cause génératrice particulière, m-ais, qui plus est, ces causes génératrices particulières ne sauraient agir d’aucune manière en vue de produire le vide. »

Que nous ayions sous les yeux un reflet particulièrement clair et fidèle de la doctrine de Bacon, il est superflu de le remarquer.

Graziadei complète, d’ailleurs, ces considérations.

Une intelligence créée ne saurait déterminer, dans l’Univers, la production d’un espace vide[1]. L’existence d’un tel espace détruirait les diverses connexions qui font la perfection du Monde ; « or la perfection de l’Univers n’est au pouvoir d’aucune de ses parties, et toute intelligence créée est une partie de l’Univers

Seule, « la Cause première pourrait, par sa force, introduire un espace vide dans le Monde[2]. Un agent naturel, en effet, n’est pas le maître de l’acte qu’il accomplit ; il ne pourrait pas ne pas agir comme il agit ; aussi la cause génératrice universelle, qui est un agent naturel, ne pourrait-elle pas ne pas agir comme elle le fait en vue de maintenir la connexité des choses d’ici—

1. Gratiadei Op. laud., Iib. IV, lect. XII, quæst. II ; éd. cit. fol. 50, col. a et b,

2. Gratiadei Op. laud, lib. IV, ! cct. XII, quæst III ; éd. cit., fol. 50, col. b,

  1. 1
  2. 2