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LE VIDE ET LE MOUVEMENT DANS LE VIDE

Robert Grosse-Teste, en sa Somme sur les huit livres de Physique, termine le court chapitre consacré au vide ?

« Le plein se comporte, dans la nature, de telle manière qu’il ne peut pas ne pas être ; donc le vide ne peut pas être.

» Du vide, on ne peut avoir qu’une science indirecte (per accidens) ; on ne peut, d’aucune manière, en avoir une science directe (per se).

» Le vide n’a pas de véritable définition, qui soit une définition d’espèce ; il n’admet qu’une définition de nom ; de sa définition, donc, il ne résulte pas qu’il soit un être, si ce n’est par manière de parler (nisi secundum vocem tantum). »

En dépit de l’unanimité des Scolastiques du xiiie siècle à rejeter la possibilité du vide, l’objection d’Ibn Bâdjâ contre un des raisonnements d’Aristote ne laissa pas de préoccuper certains d’entre eux. Si le franciscain Roger Bacon, qui revient si souvent, en ses divers écrits, à l’impossibilité du vide n’a pas fait même une allusion à ce qu’avait écrit Avempace, les Dominicains se sont montrés plus attentifs à cette reprise des arguments de Jean Philopon.

De cette objection, qu’il attribue à Avicenne et à Avempace, bien qu’Averroès ait affirmé la priorité absolue de ce dernier, Albert le Grand donne un exposé et une réfutation également détaillés[1] ; ce qu’il en dit n’est, d’ailleurs, qu’une paraphrase de la discussion du Commentateur ; aucune conclusion nouvelle n’émerge de cette prolixe paraphrase.

L’enseignement d’Albert le Grand a eu, chez les Dominicains, un long retentissement ; nous en reconnaissons le reflet en ce qu’Ulric de Strasbourg dit du mouvement dans le vide[2]. Après avoir démontré, comme le fait Aristote, qu’un grave tomberait instantanément dans le vide, il rapporte, assez obscurément d’ailleurs, l’objection qu’il attribue, comme son maître, à Avicennes et à Avempace. Cette objection, il la rejette ;

1. Beati Alberti Magni De physico auditu libri VIII ; lib. IV, tract. II : De vacuo ; Cap. VII : Et est digressio declarans solutiones contradictionum Avicennæ et Avempace contra inductas demonstrationes.

2. Ulrici Engelberti Liber de Summo Bono. Tractatus 2uS libri quarti de prima formali processione prius ( ?) creatorum omnium, id est de esse, et de ejus primis dividentibus in communi que sunt substantia et accidens, et de per se consequentibus ipsum, sicud sunt causa et causatum, potentia et actus, unum et multa. — Cam 19m tractatus 2 ; de loco, quid est et quidest ; et qualiter différencie loci que sunt sursum et deorsum, dextrum et sinistrum, ante et rétro, sunt in celo et in mundo ; et qualiter scilicet primum celum sit et moveatur in loco ; et de ubi et de vacuo et de situ. Bibliothèque nationale fonds latin, ms. n° 15900, fol. 271, col. d.

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