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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

nion contraire, et cela en ces termes : Si les projectiles continuent de se mouvoir après qu’ils ont subi le contact de ce qui les lance, c’est ou bien par ἀντιπερίστασις, comme certains le prétendent, ou bien parce que l’air pressé par le projectile pousse, à son tour, d’un mouvement plus rapide, l’air qui se trouve devant lui. Aristote répète la même chose au VIIe livre du présent ouvrage, en ce VIIIe livre et au IIIe livre du De Cælo.

» Cette question est, à mon avis, fort difficile, car, à ce qu’il me semble, Aristote ne l’a pas bien résolue.

» Aristote examine deux opinions.

» La première invoque ce qu’il nomme l’ἀντιπερίστασις. Le projectile quitte rapidement le lieu où il se trouvait. La Nature, qui ne permet pas l’existence d’un espace vide, envoie avec la même vitesse de l’air derrière le projectile. Cet air, animé d’un vif mouvement, rencontrant le projectile, le pousse en avant ; le même effet se reproduit jusqu’à ce que le corps mû parvienne à une certaine distance.

» Cette théorie n’a pas l’approbation d’Aristote ; il la réfute au VIIIe livre de cet ouvrage, disant : L’ἀντιπερίστασις meut et fait mouvoir toutes choses. Ce que l’on doit, semble-t-il, comprendre ainsi : Si l’on n’invoque aucun autre procédé que la dite ἀντιπερίστασις, il faut que tous les corps qui se trouvent derrière le projectile, y compris le Ciel même, suivent le mouvement du projectile ; l’air, en effet, qui vient occuper la place du projectile, quitte lui aussi le lieu où il se trouvait ; il faut donc qu’un autre corps le remplace, et ainsi de suite, indéfiniment. Mais on peut immédiatement répondre à cela ce que l’on a dit, au IVe livre du présent ouvrage, du mouvement de progression ; on objectait, en effet, qu’il ne peut se produire de mouvement rectiligne sans vide, à moins que tous les corps placés devant le mobile ne se mettent en mouvement, puisque les corps ne se peuvent compénétrer ; on a résolu cette difficulté en répondant que les corps placés au-devant du mobile n’avaient pas tous besoin de progresser, qu’il suffisait que quelques-uns d’entre eux éprouvassent une certaine condensation. De même, nous dirions ici qu’il se produit une certaine raréfaction des corps placés en arrière du projectile, en sorte qu’il n’est pas nécessaire que tous les corps situés derrière le mobile suivent le mouvement.

» Mais, en dépit de cette explication, il me semble que la théorie proposée ne valait rien, et cela résulte de diverses expériences.