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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

elle ne peut tant recevoir de celle impression ou qualité nouvelle que j’ay devant nommée rèdeur.

» Et si la chouse gettée est trop pesante, la vertu ne peut faire grant violence à si grant pesanteur, et pour ce, qui veult très bien gecter une chouse ; il convient que la vertu qui giecte et la chouse soient deuement proporcionnées une avec l’autre. »

L’Abrégé du livre des Physiques composé par Marsile d’Inghen est, fort souvent, une sorte d’extrait des Questions sur la Physique discutée par Jean Buridan ; Marsile s’est, en particulier, grandement inspiré, au sujet de la théorie du mouvement des projectiles de ce qu’avait exposé le philosophe de Béthune.

Le projectile, dit-il d’abord[1], ne peut-être mû par antiperistasis. « Cela est rendu évident par des expériences. On ne pourrait rendre raison de ce fait qu’une balle, lancée vers le sol, rebondit vers le haut ; en effet, l’air qui suit cette balle afin qu’il n’y ait pas de vide, empêcherait le rebondissement, bien loin de le promouvoir.

» En second lieu, on ne saurait dire ce qui meut le toton avec lequel jouent les enfants lorsqu’il est mû d’un mouvement de révolution sans changer de place ; ici, en effet, l’air n’aurait pas besoin de suivre le mouvement pour empêcher la production du vide, puisque le toton occupe continuellement le même lieu.

» En troisième lieu, on ne pourrait expliquer comment une meule de forgeron qu’on a longtemps fait tourner continue à se mouvoir après que celui qui la tournait s’est retiré ; l’air ne la suivrait pas, en effet, d’un mouvement circulaire. » L’explication proposée par Aristote est tout aussi incapable de soutenir l’épreuve de l’expérience.

« Vous ne sauriez, avec votre main, lorsque vous ne lancez pas un corps grave, ébranler l’air à une distance de vingt ou trente pieds ; vous ne sauriez donc non plus l’ébranler lorsque vous lancez un poids. Le raisonnement est logiquement construit selon le lieu : a fortiori, car vous devriez ébranler l’air davantage lorsque le grave n’oppose pas de résistance à cet ébranlement. Quant à la prémisse, elle est évidente. Mettez, en effet, une chandelle contre un mur distant de vous de vingt ou trente pieds, et poussez l’air vers cette chandelle ; vous n’en ferez pas vaciller la flamme.

1. Abbreviatienes, libri phisicorum édité.., a Marsilio Inguen ; les deux derniers fol.

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