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LA PHYSIQUE PARISIENNE AU XIVe SIÈCLE

corps projeté ; peut-être cette pensée lui est-elle inspirée par la lecture de la Summa Lincolniensis.

Voici un passage[1] où notre auteur développe son opinion :

« Les projectiles suivent l’air, grâce à la forme qui leur est donnée en propre, afin qu’en un tel mouvement, il ne se produise pas de vide ; en effet, suivant ce qui a été démontré, tout corps est naturellement mobile afin qu’il demeure au contact d’un autre corps naturel… De même que l’eau suit l’eau, que la fumée, qui est un corps igné, suit la fumée, et que la flamme suit la flamme, de même les projectiles suivent l’air ou tout autre corps qui est mû devant eux, comme le fer suit l’aimant…

» Tout corps naturel a un double mouvement ; un premier mouvement qui appartient à ce corps en tant qu’il est de telle espèce, et un second mouvement par lequel ce corps suit un autre corps. C’est par ce second mouvement que les projectiles se meuvent en suivant l’eau ou l’air lancé devant eux ; ensuite, l’eau ou l’air suit le projectile par derrière et, par là, contribue à le pousser. Cette pierre présente une surface qui est immédiatement contiguë à l’air ; lorsque l’air qui se trouve en avant de la pierre a été ébranlée par la main et que la main est retirée, cet air continue à se mouvoir ; si la pierre demeurait immobile, l’air ne pourrait, en un instant, se précipiter dans toute l’étendue de la face antérieure de la pierre, * donc, pour que la pierre ne cesse pas d’être immédiatement contiguë à un autre corps, il faut qu’elle se meuve. »

À la fin de son exposé, Jean de Dumbleton énumère quelques observations, fort contestables, d’ailleurs, qui sembleraient réclamer, du mouvement des projectiles, une explication différente de celle qu’il a donnée. « Mais, ajoute-t-il[2], pour expliquer comment le milieu se meut lorsque l’impulsion a cessé, il faut donner une autre réponse, savoir la dernière, qui est la plus commune. »

Il était donc courant, dans l’École d’Oxford, de donner, du mouvement des projectiles, cette théorie où l’hypothèse d’Aristote reçoit un renfort de la doctrine proposée par Bacon touchant l’horreur du vide. Certes, il y a loin de cette théorie au fécond système de l’impetus que l’on enseignait alors à Paris.

  1. Johannis de Dumbleton Summa de logicis et naturalibus, Pars sexta, cap. IVm. Bibliothèque nationale, fonds latin, ms. no 16146, fol. 61, col. c. et d.
  2. Jean de Dumbleton, loc. cit. ; ms, cit., fol. 62, col. a.